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Les Français disent non à la Turquie dans l’UE

mardi 28 septembre 2004, par Judith Waintraub

Le Figaro - 28/09/2004

56% des Français sont opposés à l’entrée de la Turquie dans l’Europe, 36% l’approuvent : le sondage Ipsos que nous publions aujourd’hui montre que si le référendum que vient de proposer Nicolas Sarkozy avait lieu aujourd’hui, le « non » l’emporterait nettement. Mais notre enquête indique également que l’opinion est susceptible d’évoluer, puisque 63% des personnes interrogées estiment que l’adhésion des Turcs est « envisageable dans l’avenir » s’ils font « les efforts politiques et économiques nécessaires ». Si la question était posée dans une dizaine d’années, comme l’envisage le ministre de l’Economie, la réponse pourrait donc être positive.

Les adversaires de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne restent majoritaires, mais ils sont 5% de moins qu’en juin 2004, tandis que ses partisans sont 5% de plus, à condition que cette adhésion soit envisagée dans un « avenir » non précisé. Pour Pierre Giacometti, directeur général d’Ipsos, cette évolution est liée à des facteurs à la fois permanents et conjoncturels. « Depuis la rentrée, la question de la laïcité est au cœur de l’actualité nationale comme internationale, explique-t-il. Les affaires de voile, en particulier, ont éclairé une partie de l’opinion sur l’impossibilité de s’en tenir à une opposition de principe à l’adhésion de la Turquie. Mais au fond, au-delà de la persistance d’un noyau dur opposé à cet élargissement, c’est surtout le manque d’information de l’opinion qui ressort de notre enquête. Les Français n’ont pas intégré le fait que la question turque ne se posera que dans un avenir lointain. »

De ce point de vue, l’initiative de Nicolas Sarkozy prend toute sa « pertinence » selon Pierre Giacometti. « D’autant, ajoute-il, que les autres éléments dont nous disposons révèlent qu’il existe effectivement un fort risque de pollution du référendum constitutionnel par le problème de la Turquie. L’opinion demande à être éclairée, et toutes les grandes familles politiques devraient s’y atteler. L’esquisse de débat, assez caricatural, auquel elles se livrent, est loin de répondre aux exigences complexes des Français. »

Ce travail pédagogique exige une clarification préalable qui s’annonce plus difficile à gauche qu’à droite. A l’UMP comme à l’UDF, l’opposition à l’entrée de la Turquie est massive, même si ses motifs ne sont pas toujours avoués. 26% seulement des personnes interrogées justifient leur « non » par la différence religieuse, mais le contexte international permet de supposer que l’idée d’une incompatibilité irrémédiable entre le judéo-christianisme et l’islam est en fait bien plus répandue.

Cet argument est néanmoins beaucoup plus fréquemment invoqué par l’électorat de la droite, et singulièrement du FN, que par celui de la gauche. Le tabou de la condamnation de l’islam est particulièrement fort chez les sympathisants du PS, qui évoquent plus volontiers leur crainte d’une immigration turque massive en France. Contrairement aux électeurs du PC, des Verts et de l’extrême gauche, partisans assumés d’une Europe multiculturelle et multiconfessionnelle, les électeurs socialistes sont divisés.

C’est le reflet de l’incapacité des élus du PS, mais aussi des intellectuels proches de lui, à se prononcer clairement sur le sujet. Ce que le philosophe Alain Finkielkraut nomme l’« universalisme », fondé sur les valeurs républicaines, a aussi ses partisans à gauche, mais on ne les entend guère. Surtout depuis que le PS a entrepris de flatter la fibre « altermondialiste » de son électorat.

A la lumière de notre sondage, on comprend mieux pourquoi le débat européen provoque tant de couacs chez les ténors socialistes.

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