Depuis la libéralisation des années 80-90 amorcée pour satisfaire aux exigences des milieux économiques, la société turque est en mutation rapide.
La soif de démocratie soutenue par une intelligentzia de plus en plus contestataire et les exigences de l’Union Européenne mettent à mal les dogmes de la forme fondamentaliste de la pensée kémaliste pronée par un establishment qui s’assimile de plus en plus au « derin devlet » (Etat profond).
Les coups d’état des années 70-80 ont empèché l’émergence d’une alternative politique sociale-démocrate en faisant fuir les élites de gauche. Si tant est qu’aujourd’hui, face à l’AKP d’Erdogan, il n’y a plus d’opposition crédible, surtout depuis que le CHP à été annihilé par Deniz Baykal, qui, d’un parti progressiste a fait un parti ultra convervateur proche des visions de la partie la plus autoritaire de l’état major.
Aujourd’hui, certains semblent prèts à tout pour faire chuter l’AKP sous le prétexte affiché de la réislamisation de la société. La raison réelle est plus complexe et mèle la perte de privilèges des acteurs de l’état (armée, police, hauts fonctionaires, élus) et l’angoisse de s’affranchir de la société paternaliste et autoritaire pour un avenir rempli d’incertitudes.
La Turquie est sur le fil, l’Europe a, et aura, une réelle influence sur le choix du côté ou elle choisira de descendre. Les articles qui suivent vous aideront à mieux comprendre la révolution silencieuse en cours.
La Syrie n’est, certes, pas le sujet de ce site, mais les peuples du Moyen Orient sont tellement imbriqués et ses frontières si artificielles qu’il nous semble intéressant de publier cet extrait. Voir les communautés syriennes au travers du regard d’un enfant éclaire sur la vision qu’il peut avoir des autres communautés quand il est éduqué dans une famille musulmane, et donc sur la perception qu’avaient les musulmans des autres groupes ethno-religieux avec lesquels ils vivaient, avant que la politique (...)
Il y a quelque temps, j’ai été invité à Ankara pour présenter Soleils , un film autour de la sagesse africaine dont le personnage principal m’a été inspiré par le merveilleux Sotigui Kouyaté - l’acteur fétiche de Peter Brook qui était aussi un conteur intarissable, un griot, un transmetteur de la culture, de l’histoire et de l’humanisme africains et une très très belle personne. C’est un film que j’ai réalisé avec Dani Kouyaté, fils ainé de Sotigui et réalisateur burkinabè.
Ce passage à Ankara fut pour moi (...)
Cette année à Yerevan, on commémore le centenaire du génocide arménien. Et cette année, pour la première fois de ma vie, je suis une Turque en Arménie, où je vis maintenant depuis presque six mois. J’ai accepté de venir personnifier l’ennemi, le bourreau, l’objet d’une haine apprise par cœur et qui ne connaît plus son mal tellement la colère l’en a éloigné.
Je travaille au Centre de Ressources pour les Femmes d’Arménie, grâce à la bourse du projet « Au-delà des Frontières » (սահմաններից վեր - Sınırları (...)
A la veille du 100e anniversaire du cauchemar de 1915, beaucoup se souviennent, d’autres découvrent, il est temps de partager la douleur pour la disperser. Mais quelle douleur ? Se souvenir de quoi exactement ? Pourra-t-on un jour savoir au juste la teneur de toutes les souffrances et lever les voiles qui recouvrent les vérités ?
En novembre 2013, la Fondation Hrant Dink organisait une conférence de trois jours sur les Arméniens islamisés « Müslümanlaş(tırıl)mış Ermeniler Konferansı » à (...)
Ils ne veulent être ni les instruments de la mondialisation, ni des pions dans un combat identitaire. C’est l’émergence d’une population préoccupée par des valeurs morales, d’acteurs sociaux non liés à une structure de pouvoir. Et c’est ainsi que Gezi est devenu rapidement un mouvement œcuménique, conforme au message clamé lors des obsèques de Hrant Dink.
[Ce texte est destiné à une manifestation toulousaine, « La Turquie de Gezi Parkı. Quatre jours pour comprendre le soulèvement populaire du printemps (...)
Un nouveau front vient d’apparaître dans la guerre culturelle menée par l’AKP au nom de ses valeurs conservatrices et religieuses : la mixité des résidences étudiantes.
L’AKP a tenu il y a quelques jours de cela sa 20e réunion de consultation et de réflexion dans la petite ville thermale de Kızılcıhaman dans la région d’Ankara. Selon un scénario familier à tous ceux qui s’intéressent à la politique turque, des propos tenus par le Premier ministre critiquant la mixité dans les résidences étudiantes ont été (...)
Un printemps turc ?
Comme il était à prévoir, les comparaisons avec les printemps arabes ont vite fleuri et sont encore présentes dans toutes les têtes. Certaines analogies existent bel et bien : importance d’Internet et des réseaux sociaux, rôle moteur de la jeunesse, réappropriation pacifique d’un espace public confisqué par l’État, caractère résolument urbain, sur fond de baisse de la fécondité, d’augmentation du niveau d’éducation et d’urbanisation massive. Mais la comparaison s’arrête là, car (...)
Ces violations massives des droits de l’homme risquent de ramener peu à peu la Turquie au statut qui était le sien dans les années 90 vis à vis des Nations Unis et du Conseil de l’Europe.
Je pourrais entreprendre de vous expliquer longuement la nouvelle loi sur le MIT [Organisation Nationale du Renseignement], écrire que même Orwell n’aurait pu rêver d’un service de renseignement qui conserve les analyses d’urine des gens [référence aux révélations récentes du journal Taraf sur les pratiques (...)
C’est un jour de grande tristesse, le lendemain du décès de ma mère, que je croisai la face sombre de l’intégrisme religieux sous les traits du menuisier de notre quartier. Le matin où, le regard enlaidi par une jubilation mesquine, il refusa à mon père la fabrication du cercueil sous prétexte que notre famille n’était assez pieuse, et qu’il ne pouvait se compromettre ainsi auprès de Dieu, en répondant favorablement à notre demande. De mœurs bizarres, inconnues de ma famille, cet homme venait de (...)
La Turquie vit depuis près d’une semaine l’une des pages les plus importantes de son histoire récente et l’AKP l’un des plus gros défis qu’il ait connus depuis son arrivée au pouvoir en 2002. Qualifiés de « vandales » (çapulcu) par le Premier ministre Erdoğan, les manifestants n’ont pas tardé à faire œuvre de dérision et s’approprier le vocable, qui connaît désormais ses déclinaisons anglaise (« chapulling ») et française (« chapuler »). Retour en cinq parties sur des événements susceptibles de changer la face du (...)
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