Alors que s’engage à peine le débat qui conduira les Français à se prononcer sur la Constitution européenne, voilà que Nicolas Sarkozy évoque déjà un autre référendum sur l’adhésion de la Turquie. Disons-le nettement : un tel référendum n’est purement et simplement pas possible.
Rappelons tout d’abord que l’adoption de la Constitution et l’adhésion de la Turquie sont deux questions étrangères l’une à l’autre. Que les Européens ratifient ou non leur Constitution laissera entier leur choix ultérieur d’accueillir ou non la Turquie.
Cette seconde interrogation, ensuite, n’est qu’à échéance d’une dizaine d’années. D’une part, les négociations, si elles se nouent, relèveront des autorités européennes, et d’elles seules. D’autre part, il est impossible de provoquer un référendum avant leur conclusion éventuelle. Une telle consultation, en effet, ne peut porter que sur la ratification du traité d’adhésion, s’il est signé un jour, tandis que, d’ici là, notre Constitution française n’autorise pas à inviter les électeurs à exprimer un voeu, un refus ou une préférence. Elle permet seulement de les appeler à prendre, le moment venu, une décision, or celle concernant la Turquie ne se présentera sans doute au plus tôt que durant le mandat du successeur du successeur de Jacques Chirac, après 2012 !
Ce n’est donc pas clarifier le débat que de donner à confondre deux échéances, l’une proche et certaine, l’autre hypothétique et très lointaine.
Sur la seule question réellement posée aujourd’hui et tranchée demain, oui ou non à la Constitution européenne, toutes les opinions s’expriment, et c’est tout à fait naturel. Ce qui l’est moins est l’idée selon laquelle une force politique se trouverait en position d’arbitre du résultat. C’est le rôle un peu hâtivement attribué aux socialistes, dont le choix collectif est présenté comme devant faire pencher la balance.
Lorsque les Français ont devant eux un choix simple et clair, ils montrent depuis bien des années qu’ils l’exercent eux-mêmes, sans prêter grande attention aux recommandations des prescripteurs. Ce fut vrai pour le référendum de Maastricht, plus visible encore lors de la présidentielle de 2002, qui n’a fait que porter au paroxysme la même tendance déjà observée dans les scrutins antérieurs de même type. Ce n’est pas la queue qui agite le chien.
Dans ces conditions, le choix que feront les socialistes aura moins d’effet sur le vote des Français dans le référendum que sur la manière dont, ensuite, ces mêmes Français jugeront les socialistes.