Les Chypriotes turcs doivent se rendre aux urnes dimanche pour élire leurs députés mais l’impasse politique que connaît la République turque de Chypre du Nord (RTCN) depuis l’échec d’un plan de l’Onu pour réunifier l’île risque de durer jusqu’aux présidentielles d’avril.
La RTCN (proclamée unilatéralement et reconnue par la seule Turquie) a été contrainte d’organiser dimanche des élections anticipées après que le gouvernement du Premier ministre Mehmet Ali Talat eut perdu en mai sa courte majorité au Parlement et que les efforts pour constituer un nouvel exécutif stable eurent échoué.
Les sondages prédisent cependant que l’assemblée issue de ce nouveau scrutin sera à nouveau très fragmentée - à l’instar de celle sortie des élections de décembre 2003 -, faisant craindre une nouvelle phase d’instabilité politique.
Sans grands espoirs de changements immédiats sur la scène politique, les Chypriotes turcs, qui ont assisté à une campagne électorale dépourvue de relief, ne cachent pas leur manque d’enthousiasme.
« Je ne pense pas qu’il y aura beaucoup de changement et je ne comprend pas pourquoi nous organisons des élections si rien ne va changer », résumait Aydin Hikmet, un musicien de 64 ans vivant dans la partie turque de Nicosie, la capitale de la RTCN. « C’est de l’argent gaspillé ».
Le retour à la stabilité politique en RTCN est crucial pour permettre une reprise du processus de paix, mis à mal après le rejet par les Chypriotes grecs, lors d’un référendum en avril 2004, d’un plan de réunification proposé par l’Onu et largement approuvé par les Chypriotes turcs.
« Les Chypriotes turcs se sont précipités sur les urnes aux élections de 2003 et lors du référendum. Mais leurs espoirs étaient vains et maintenant ils ne sont pas enthousiasmés par les élections à venir », estime Levent Ozverel, un ingénieur de 39 ans.
A l’issue du référendum d’avril 2004, seule la République de Chypre - reconnue internationalement comme la seule entité légitime sur toute l’île, mais qui n’administre de fait que la partie grecque de l’île - a rejoint l’Union européenne le 1er mai, laissant celle-ci dans l’embarras et la RTCN dans les limbes.
La résolution du conflit chypriote est d’autant plus importante pour l’UE que celle-ci s’est engagée à entamer le 3 octobre des négociations d’adhésion avec la Turquie, qui maintient quelque 30.000 soldats en RTCN.
Il faudra néanmoins attendre l’organisation d’élections présidentielles le 17 avril et le départ à la retraite du président Rauf Denktash, aux commandes de la RTCN depuis sa fondation, en 1983, pour qu’une relance des négociations intercommunautaires puisse aboutir, estiment les analystes.
Le Parti républicain turc (CTP, gauche) de M. Talat recueille, selon un sondage du centre de recherche KADEM publié le mois dernier par le quotidien Kibris, 35,9% des intentions de vote pour les législatives de dimanche.
Si un tel résultat se concrétise, le CTP, favorable à un règlement du conflit chypriote, obtiendra 20 des 50 sièges à l’Assemblée et ne sera pas en mesure de former seul un gouvernement.
Le CTP avait obtenu 35,2% des votes en décembre 2003 et avait déjà été contraint de s’allier avec le petit Parti démocrate (DP, centre-droit) pour constituer un gouvernement, qui a dû démissionner en octobre 2004 après la défection de députés lui faisant perdre sa majorité.
Selon l’enquête du KADEM, le principal rival du CTP, le Parti de l’union nationale (UBP, nationaliste) pourrait obtenir 32% des votes et conserver ses 18 sièges à l’Assemblée.
Le DP conserverait ses sept députés et le Mouvement pour la Paix et la Démocratie, proche de M. Talat, perdrait un de ses six élus.
Les trois autres formations en lice ne seraient pas en mesure de franchir le seuil des 5% requis pour entrer au Parlement.
Chypre est divisée depuis l’intervention turque de 1974, déclenchée à la suite d’un coup d’Etat d’ultranationalistes chypriotes grecs qui voulaient rattacher l’île à la Grèce.