L’ancien Premier ministre conservateur turc Mesut Yilmaz a commencé à comparaître mercredi devant la Cour suprême pour répondre d’accusations de corruption, devenant le premier ancien chef de gouvernement dans l’histoire de la Turquie a être jugé devant ce tribunal.
La Cour constitutionnelle a pris pour la circonstance le nom de Cour suprême, plus haute instance juridique du pays. Son jugement ne sera pas susceptible d’appel.
Un groupe de quelque 250 partisans de l’ex-responsable turc ont applaudi au moment de son arrivée à la Cour suprême, dans le centre d’Ankara.
Mesut Yilmaz, 58 ans, et son ex-ministre de l’Economie Gunes Taner, 56 ans, répondront d’accusations de corruption pour des faits qui remontent à 1998.
Ils risquent au moins dix ans de prison chacun, selon l’acte d’accusation.
Ils sont soupçonnés de malversations au moment de la privatisation de la banque publique Turkana.
Ils se voient notamment reprocher d’avoir vendu dans des conditions irrégulières la banque — qui a cessé depuis ses activités — à un homme d’affaires controversé, affaire qui avait mené à la chute de leur gouvernement de coalition tripartite.
MM. Yilmaz et Taner avaient été renvoyés en octobre 2004 devant la justice par les députés turcs qui s’étaient prononcés sur les conclusions d’une commission d’enquête parlementaire.
Ugur Alacakaptan, le principal défenseur de M. Yilmaz a contesté la décision de cette commission et dénoncé un « détournement de pouvoir et de procédure », réclamant un non-lieu pour son client.
Il a estimé que son client faisait les frais d’une décision politique et non juridique. « La commission d’enquête a travaillé comme une agence de détectives privés et n’a pas respecté la présomption d’innocence », a-t-il affirmé.
Le président de Cour, Mustapha Bumin, a rejeté les demandes des avocats des accusés et décidé de passer à leur défense.
M. Yilmaz, trois fois Premier ministre dans les années 1990 et ancien chef du parti de la mère-patrie (Anap) a plusieurs fois dû répondre devant l’Assemblée nationale d’accusations de fraude massive, mais il a à chaque fois été blanchi.
Comme M. Taner, il s’est retiré de la vie politique après la défaite de l’Anap aux élections législatives de 2002.
Ces élections avaient porté au pouvoir un tout nouveau parti, celui de la Justice et du Développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), qui avait fait campagne contre la corruption et promis de livrer à la justice les anciens hommes politiques éclaboussés par ce fléau qui était chronique dans le pays.
L’AKP du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan est aujourd’hui sommée de mettre en œuvre ses promesses, tant par son électorat que par l’UE avec laquelle Ankara entamera le 3 octobre prochain des négociations d’adhésion.
Cette même Cour juge actuellement pour des accusations de corruption, lors d’audiences séparées, quatre anciens ministres dont deux de l’Energie qui ont fait partie des gouvernements Anap dans le passé.
Les partisans de M. Yilmaz rassemblés devant la cour étaient furieux.
« Ils ont envoyé ces hommes honnêtes devant le tribunal pour masquer leur incompétence à gouverner le pays », a indiqué à l’AFP Hamdiye Cakmak, venue d’Istanbul pour « soutenir » M. Yilmaz.
« M. Yilmaz est devenu un bouc émissaire, il est la victime de gens malhonnêtes qui l’on entouré lorsqu’il était Premier ministre », a estimé pour sa part un retraité de 65 ans, Haci Ihsan Gulbay.
La droite classique représentée par les anciens Premiers ministres Mesut Yilmaz et Mme Tansu Ciller — qui a aussi quitté la politique — avait été l’une des grandes perdantes du dernier scrutin législatif, n’ayant pu envoyer aucun représentant au prochain parlement.