Le principal parti d’opposition turc a demandé mardi la convocation du Parlement pour faire voter une réforme du code pénal jugée indispensable avant l’ouverture des négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE tandis que le Premier ministre s’apprête à plaider la cause de son pays à Bruxelles.
Le Parti républicain du peuple (CHP, centre-gauche) a déposé une demande pour obtenir l’ouverture d’une session parlementaire extraordinaire le 28 septembre pour faire adopter le projet de loi dont l’abandon la semaine dernière, par le gouvernement, avait suscité l’indignation de l’UE.
La décision du gouvernement qui souhaite réintroduire dans le paquet de lois une clause réprimant l’adultère, a mis à mal les espoirs de la Turquie - dont les nombreuses réformes en vue de démocratiser le pays avaient été saluées par l’Europe - de voir l’UE lui accorder une date pour le début des négociations d’adhésion.
Jean-Christophe Filori, le porte-parole du commissaire européen chargé de l’élargissement Guenter Verheugen, a adressé un avertissement lundi à la Turquie en affirmant qu’il n’y aurait pas d’ouverture des négociations sans l’adoption du nouveau code pénal.
La commission européenne exige que la réforme soit votée avant la publication, le 6 octobre, de son rapport sur les progrès de la Turquie en matière de démocratisation, qui doit servir de base à la décision que prendront les dirigeants européens le 17 décembre sur le lancement, ou non, des négociations.
« Nous voulons offrir une occasion pour la Turquie. La Turquie ne doit pas détruire de ses propres mains ses avantages », a affirmé mardi Deniz Baykal, le président du CHP, à la presse.
M. Baykal a également appelé le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à résoudre cette crise avec l’UE.
« Le Premier ministre devrait faire ce que la raison, la logique et le bon sens imposent (...) Les relations entre la Turquie et l’UE reposent sur 40 ans d’efforts réalisés par la Turquie. Mettre tout cela en danger est inacceptable », a-t-il déclaré.
Avec un peu moins d’un tiers des 550 sièges au Parlement, le CHP dispose d’un nombre de voix suffisant pour obtenir du président de l’Assemblée la convocation des députés.
Mais il aura besoin du soutien d’élus de la formation au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP), pour atteindre le quorum nécessaire à la tenue d’une session extraordinaire.
L’AKP a accueilli avec réticence la proposition de l’opposition, sans pourvoir toutefois exclure de lui donner une réponse favorable et de rappeler les députés, en vacances jusqu’au 1er octobre.
Interrogé sur la possibilité d’un appel de l’AKP à une session parlementaire extraordinaire, Dengir Mir Mehmet Firat, le vice-président de l’AKP, a déclaré : « C’est possible. La politique est quelque chose de dynamique. Même une heure est importante en politique. »
De son côté, M. Erdogan dont la rencontre avec M. Verheugen a été confirmée par des responsables de l’UE, s’efforcera jeudi à Bruxelles de convaincre le commissaire européen de l’inocuité de la disposition sur l’adultère qui aura un champ d’application très restreint.
Il rencontrera en outre le chef du Parlement européen, Josep Borrell, ainsi que les dirigeants des principaux groupes parlementaires.
Le gouvernement turc, confronté à de nombreuses critiques tant en Turquie qu’à l’étranger, avait tout d’abord décidé de retirer cette clause avant de revenir sur sa décision, vraisemblablement sous la pression des confréries religieuses, qui constituent une partie de l’électorat le plus radical de l’AKP.
Au sein de l’UE, les nombreux opposants à la candidature turque ont considéré cette disposition comme une preuve de l’identité non européenne de la Turquie.