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Dans la rue comme à la maison, des femmes battues...

jeudi 17 mars 2005, par Murat Çelikkan

Courrier Internationnal / Radikal

Les brutalités policières contre une manifestation en faveur des femmes à Istanbul ont fait couler beaucoup d’encre. Une certaine presse s’en est émue parce que cela s’est passé lors de la visite d’une délégation européenne.

A Istanbul, lors de la manifestation de la journée des femmes, le 8 mars. - AFP

Le monde entier a compris, à l’occasion de la Journée des femmes, que nous battons nos femmes non seulement à la maison, en famille, mais même à l’extérieur, dans la rue, pendant les manifs. Les associations féminines nous apprennent que 70 % des femmes battues ont un niveau socioculturel élevé, que 39 % des femmes mariées sont battues par leur mari et que 54 % reçoivent des coups de leurs proches. On nous fait savoir que, dans l’est du pays (le Kurdistan), les fillettes sont considérées comme un outil de production et qu’elles peuvent devenir victimes de “crimes d’honneur”.

Et quand des gens manifestent pour que cesse cette situation, pour que les femmes puissent obtenir la place qu’elles méritent dans la vie sociale, pour qu’elles ne soient pas exploitées, pour qu’elles ne soient pas battues, la police bat les manifestants. La boucle est ainsi bouclée. Apparemment, le gouvernement ne veut pas que les gens manifestent. Oui à la démocratisation, mais sans manifestations ni protestations.

Depuis quelque temps, les forces de l’ordre ont commencé à utiliser le gaz innervant pour disperser les rassemblements non autorisés. On ne peut ni comprendre ni admettre que les employés d’Etat chargés de veiller à la sécurité utilisent des gaz toxiques contre la population. Ce gaz innervant n’est pas défini par notre législation comme une arme. Il ne figure pas non plus dans la réglementation relative aux devoirs et aux compétences de la police. Dans ce cas, sur quelle base juridique les forces de sécurité fondent-elles leur action lorsqu’elles se servent de ce gaz ? Les procureurs de la République ne doivent-ils pas agir contre une telle pratique ? Non, ils ne bougent pas. Est-ce que ce sont les autorités administratives qui étouffent l’affaire ? Ou bien est-ce que les autorités judiciaires ne font pas leur travail ? Ce serait bien que l’on sache un jour qui manque à son devoir.

“L’incident a éclaté juste au moment où les représentants de la troïka de l’UE se trouvaient à Ankara pour une réunion de travail”, protestent certains journaux. Comme si un enfant mal élevé déballait ses insanités juste au moment où les voisins vous rendent visite. A croire que la chose n’aurait pas eu autant d’importance si elle s’était produite à un autre moment.

Mais il y a pire encore ! Ce sont les déclarations du ministre de la Justice. Que dit Cemil Cicek ? Qu’il faut “comprendre les policiers qui ont attaqué les manifestants à Istanbul avec du gaz innervant”, que “de temps en temps des réunions dépassent leur cadre initial, donnant lieu à des débordements” et que “partout dans le monde les actions illégales sont tolérées jusqu’à un certain point seulement”...

Difficile d’y croire ! Doit-on comprendre que, dans tous ces événements, les coupables sont les femmes qui se font traîner par terre et reçoivent des coups de pied ? Le message du ministre de la Justice ne signifie-t-il pas : “Allez-y, mes gars, continuez dans cette voie” ? On comprend pourquoi la justice dans ce pays est si lente à appliquer la... justice ! Comme dit le proverbe, le poisson commence à pourrir par la tête.

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