L’antiaméricanisme en Turquie se nourrit des réalités et des fantasmes concernant la politique américaine en Irak. Cet antiaméricanisme sert d’ailleurs de dérivatif pour reporter à bon compte sur les Etats-Unis les erreurs de notre politique étrangère. En réalité, l’antiaméricanisme en soi n’est pas vraiment un phénomène digne d’intérêt. Ce n’est d’ailleurs pas une spécificité turque. En effet, il se manifeste partout dans le monde et notamment en Europe. Le problème n’est donc pas là ; le problème, c’est que, dans le cas de la Turquie, l’antiaméricanisme se manifeste désormais en parallèle et en relation directe avec l’antikurdisme et avec l’opposition à l’Union européenne.
En effet, aujourd’hui, en Turquie, il faut être sourd et aveugle pour ne pas s’apercevoir que l’antiaméricanisme est en train de nourrir un racisme antikurde qui va croissant. Même pendant les quatorze années qu’a duré la campagne terroriste du PKK [mouvement kurde responsable d’actes terroristes], on n’avait jamais vécu ce genre d’ambiance faite de haine à l’égard des Kurdes. Chacun faisait preuve alors en Turquie d’assez de sagesse pour faire la part des choses entre le PKK et les Kurdes. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La paranoïa a pris le dessus sur la prudence.
L’hostilité à l’égard des Kurdes d’Irak - qui sont proches ethniquement de nos concitoyens d’origine kurde - prend donc une tournure qui, à terme, met en péril notre intégrité intérieure. Au fur et à mesure que les Kurdes se renforcent en Irak, l’hostilité en Turquie se manifeste à l’égard de nos propres citoyens kurdes, au point de les offenser de plus en plus. Il n’y a pas meilleur moyen pour ralentir la marche de la Turquie vers l’Europe.
L’antiaméricanisme, tant qu’il reste de l’antiaméricanisme, ne me tracasse donc pas vraiment. En revanche, dès lors qu’il devient synonyme de racisme à l’égard des Kurdes, alors là, il devient notre problème à tous.