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Le report des négociations de l’UE avec la Croatie est un avertissement à la Turquie et aux Balkans

dimanche 20 mars 2005, par Thomas Ferenczi

Le Monde - 19/03/2005

Les ministres européens des affaires étrangères, réunis mercredi 16 mars à Bruxelles, ont décidé de reporter l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Croatie, qui devaient commencer le 17 mars à condition que Zagreb « coopère pleinement » avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye. Selon l’avis d’une douzaine d’Etats membres, cette condition n’était pas remplie. Le principal reproche fait à la Croatie est de n’avoir pas consacré tous ses efforts à la recherche et à l’arrestation du général Ante Gotovina, poursuivi depuis 2001 pour « crimes de guerre ».

Aucune nouvelle date n’a été fixée. Les négociations s’ouvriront « dès que le Conseil aura constaté que la Croatie coopère pleinement avec le TPIY ». La décision doit être prise à l’unanimité. Le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, président en exercice de l’Union, s’est dit convaincu que la Croatie sera en mesure de prouver, « dans le courant des semaines à venir », qu’elle coopère « étroitement et entièrement » avec le tribunal. Le ministre britannique des affaires étrangères, Jack Straw, a évoqué le mois de juillet. Le Conseil a « réaffirmé l’engagement de l’Union européenne en faveur de l’adhésion de la Croatie » et adopté, pour montrer sa bonne volonté, le cadre de négociation qui servira de base aux futurs pourparlers.

Plusieurs pays souhaitaient l’ouverture des négociations à la date prévue, notamment l’Autriche, la Hongrie et la Slovénie, tous voisins de la Croatie. Une majorité, conduite par la Grande-Bretagne, la Suède, la Finlande et le Danemark, y étaient hostiles. La France et l’Allemagne, comme l’Espagne et l’Italie, s’étaient ralliées à ce deuxième groupe. Le ministre italien des affaires étrangères, Gianfranco Fini, a parlé d’une décision « difficile, douloureuse mais politiquement inévitable ». « Il n’y a pas de complaisance possible, a déclaré son homologue français, Michel Barnier. Des règles ont été fixées. Elles doivent être respectées. »

Le ministre luxembourgeois, Jean Asselborn, a estimé que Zagreb est seul responsable de la situation actuelle. « La clé de la coopération avec le tribunal est dans les mains de la Croatie », a-t-il dit.

M. Barnier a souligné que cette décision devait être prise comme un avertissement par tous les pays candidats, à commencer par les autres Etats des Balkans et la Turquie. « Elle prouve, a-t-il dit, qu’on n’entre pas dans l’Union européenne parce que la porte est ouverte mais parce qu’on veut y entrer. » Pour ceux qui souhaitent adhérer, « il n’y a pas de raccourci ». Un diplomate français précisait que cette mise en garde s’adressait surtout à la Turquie, à laquelle il jugeait important de rappeler qu’elle devait remplir toutes les conditions requises avant d’envisager d’entrer dans l’Union. « Pour la Turquie, on a du temps », a souligné M. Barnier.

RÉSEAUX DE PROTECTION

Le ministre finlandais, Erkki Tuomioja, a mis en cause devant un groupe de journalistes les réseaux qui protègent le général Gotovina et qui perdurent, selon lui, dans les anciens pays communistes, associant les anciens services de sécurité, les milieux du crime organisé et certains cercles gouvernementaux. « Tant que ces réseaux ne seront pas démantelés, a-t-il dit, ces pays ne seront pas de vraies démocraties. » « Le message, a-t-il ajouté, doit être entendu par la Bulgarie et la Roumanie, les deux prochains Etats adhérents, mais aussi par la Turquie. »

Le premier ministre croate, Ivo Sanader, qui était l’invité de la commission des affaires étrangères du Parlement européen, s’est dit « déçu » et « mécontent » après l’annonce de la décision des Vingt-Cinq. Il a répété que son gouvernement avait pleinement coopéré avec le tribunal de La Haye et nié que des contacts aient eu lieu avec le général Gotovina, comme l’affirme Carla Del Ponte, la procureure du TPIY. La commission des affaires étrangères a critiqué la décision prise par le Conseil et proposé la mise en place d’un comité de surveillance chargé d’examiner si la Croatie coopère pleinement ou non avec le tribunal.

Les négociations devraient commencer, a estimé la commission. Elles pourraient être interrompues s’il apparaissait, selon ce comité, que la coopération de la Croatie avec le tribunal n’est pas suffisante.

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