Le référendum sur la Constitution européenne aura lieu le dimanche 29 mai, a annoncé, vendredi 4 mars, l’Elysée dans un communiqué. Il reste moins de trois mois au chef de l’Etat et aux partisans du « oui » pour contenir l’essor du camp du « non », que les derniers sondages créditent d’environ 40 % des intentions de vote.
Jacques Chirac avait annoncé, le 14 juillet, que les Français seraient consultés par référendum sur le traité constitutionnel européen, adopté par les 25 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne le 18 juin à Bruxelles. Le 31 décembre, dans ses v�ux aux Français, le chef de l’Etat avait précisé que le référendum serait organisé « avant l’été ».
Après le feu vert donné, lundi 28 février, par le Parlement à la révision de la Constitution française préalable au référendum, Jacques Chirac a consulté les dirigeants des formations politiques représentées à l’Assemblée nationale et au Sénat sur la date et les modalités d’organisation de cette consultation.
La plupart des formations reçues à l’Elysée entre le mardi 1er et le jeudi 3 mars, s’étaient prononcées pour un référendum fin mai ou début juin, le PCF et les chevènementistes souhaitant qu’il ait lieu plus tard pour donner plus de temps au débat.
UN COÛT ESTIMÉ À 45 MILLIONS D’EUROS
Le coût du référendum sur la Constitution européenne, qui sera organisé le 29 mai, est estimé à environ 45 millions d’euros, si on tient compte des crédits prévus à cet effet dans le collectif budgétaire voté en décembre dernier. Pour l’organisation du scrutin, 39,3 millions d’euros ont été débloqués, auxquels s’ajoutent 5,8 millions d’euros pour financer la campagne d’information précédant le vote.
Dans un rapport en novembre dernier sur les crédits du ministère de l’intérieur pour 2005, le député UMP Marc Le Fur estimait que le coût de l’organisation du référendum, « hors remboursements forfaitaires éventuels de frais de campagne », serait compris « entre 38,5 et 62,4 millions d’euros, c’est-à-dire entre 0,93 et 1,5 euro par électeur ». « L’hypothèse haute semblant la plus probable », ajoutait-il.
« A titre de comparaison, l’organisation du référendum de 1992 sur le traité de Maastricht avait couté 42,4 millions d’euros, soit 1,11 euro par électeur », soulignait le député.
PROGRESSION RÉGULIÈRE, DANS L’OPINION, DU CAMP DU « NON »
Alors que la campagne pour le « oui » a tardé à démarrer, le camp du « non » s’est étoffé ces dernières semaines et le rejet de la Constitution européenne semble avoir régulièrement progressé dans l’opinion depuis la fin de l’an dernier, à la faveur du débat sur l’adhésion de la Turquie et de la grogne sociale alimentée par la réforme des 35 heures et les revendications sur le pouvoir d’achat.
Dans le camp du « non », au fil des consultations internes, une bonne partie des Verts, de la CGT, de la CFDT et une forte minorité du Parti socialiste se sont agrégées à l’extrême gauche, aux communistes, au Mouvement républicain et citoyen, tous opposants de la première heure.
A droite, l’UMP est gênée par son débat interne sur l’adhésion de la Turquie, une faiblesse exploitée par l’UDF de François Bayrou, pourtant favorable au « oui » à la Constitution, et le MPF souverainiste de Philippe de Villiers, partisan du « non ».
Dans l’opinion, le « non » semble avoir régulièrement progressé dans les intentions de vote, passant de 30 % début décembre, après le vote favorable des adhérents du Parti socialiste, à 40 % début février, selon les six sondages CSA réalisés depuis septembre 2004.
Cette progression du « non » s’explique aussi par une situation politique et économique qui est loin d’être brillante. Le premier ministre Jean-Pierre Raffarin, chargé de mener la campagne du référendum, a perdu les trois précédentes élections - locales, régionales et européennes - qui se sont tenues en 2004, et son taux de popularité est faible, plafonnant autour de 30 %. La situation économique difficile, avec un taux de chômage à 10 % et peu de perspectives d’amélioration, suscite le mécontentement d’une série de catégories sociales qui sont mobilisées contre le gouvernement depuis des semaines. Le 10
mars, une manifestation nationale de grande ampleur est annoncée par les syndicats.
Ces catégories pourraient être tentées par un vote protestataire ayant peu à voir avec le traité constitutionnel. Conscient du danger, Jean-Pierre Raffarin a pris les devants en rappelant que la Constitution européenne « ne pose pas la question du candidat de l’opposition à l’élection présidentielle de 2007 », dans une tribune publiée dans Le Monde daté de samedi.
Le traité constitutionnel « ne décide pas non plus de l’adhésion de la Turquie, sur laquelle le peuple de France aura le dernier mot par référendum », a ajouté le Premier ministre, qui craint l’amalgame entre ces deux sujets. Le non est alimenté en France par deux grands courants : l’un surtout à droite qui met en avant la question de l’adhésion de la Turquie et l’indépendance de la France, l’autre protestataire inspiré par la crainte d’une Europe trop libérale.
« UNE CHANCE POUR LA FRANCE ET POUR L’EUROPE »
L’annonce de la date du référendum survient trois jours seulement après la promulgation par le président de la République du texte révisant la Constitution française, préalable indispensable à l’organisation de la consultation. Fervent partisan du « oui », Jacques Chirac présente le traité européen comme « une chance pour la France et pour l’Europe ».
Ce texte « consolide l’�uvre de paix, de liberté et de démocratie de cinquante ans de construction européenne. Il affirme un modèle de développement économique et social fondé sur la solidarité et qui encourage l’initiative et la croissance. Il reconnaît pour la première fois le rôle des services publics », soulignait-il mardi dans un communiqué.
Une analyse à mille lieues de celle proposée par les partisans du « non », en particulier de gauche, pour qui ce traité scelle dans le marbre des orientations politiques ultra-libérales.
Avec AFP et Reuters