Gouvernée par le parti islamique AKP depuis neuf ans, la société turque n’a pas pour autant changé son mode de vie libéral.
Depuis que le Parti justice et développement (AKP) est arrivé au pouvoir en Turquie, à la fin de 2002, les médias ont eu du mal à trouver un qualificatif adéquat pour le désigner. Tandis que l’AKP tient à se faire appeler “conservateur” et affirme clairement qu’il “n’est pas un parti religieux”, les définitions courantes adoptées par la presse vont de “légèrement islamique” à (...)
Dans le travail que je fais sur les années 1990 en Turquie, de nombreux événements et personnages de l’époque me raccordent au présent ; l’affaire Pınar Selek en est un triste exemple. Mais une parution récente, découverte dans une librairie d’Istanbul où j’étais justement pour soutenir Pınar, nous en donne un exemple réjouissant : The State of Ata. The Contested Imagery of Power in Turkey, par Mike Mandel et Chantal Zakari [publié par Eighteen Publications, Boston, 2010, 256-xvi p.].
Je ne l’ai jamais (...)
Le « modèle turc », c’est un peu, ces dernières semaines, comme le grand Bazar d’Istanbul. Les visiteurs, arabes et occidentaux, sont nombreux, ne cherchent pas tous la même chose mais presque tous finissent par à en rapporter une trouvaille.
Les uns y puisent la preuve qu’islam et démocratie peuvent coexister ; les autres que l’armée –même cantonnée dans ses casernes– reste une garantie pour les « fondamentaux » du pays ; d’autres, qu’il est possible de tenir tête à Israël ; les derniers que ce « modèle (...)
Le parti de la Justice et du développement, l’AKP est au pouvoir en Turquie depuis plus de huit ans aujourd’hui. Il a été aux commandes d’un pays pour lequel la première décennie du XXIè siècle restera comme l’une des plus déterminantes de sa jeune histoire républicaine. Issu d’un islam politique au discours radical, l’AKP s’est voulu réformateur et a su se montrer pragmatique. D’où vient-il ? A-t-il évolué ? Dans quelle mesure ? Editée en 2006, cette analyse se révèle d’autant plus pertinente qu’elle permet (...)
Si la laïcité est partout en crise, c’est que le noyau de notre culture est en train d’éclater entre deux principes autrefois compromis dans le même fragile équilibre, et aujourd’hui antagonistes : un principe d’appartenance à des mondes de langage et de tradition, et un principe de critique universelle et sans entrave. Il y a dans le même temps un sentiment de déficit d’identité, et un sentiment de déficit d’humanité : le premier sentiment voudrait le respect de la diversité des « formes de vie » et de (...)
[Premier volet
>http://turquieeuropeenne.eu/article...]
La forme du problème
L’analogie globale des termes du problème dans les deux contextes devrait permettre d’adopter une approche critique, au sens kantien du terme, c’est à dire de montrer en quoi le problème, ici et là, réside dans l’obligation de répondre en même temps à deux questions irréductibles, et qu’il faut tenter de distinguer.
Aujourd’hui, le monde est en gros dominé par deux logiques. Une logique d’uniformisation technique, dont le (...)
Le sentiment d’une fragilité de la laïcité est un bon point de départ pour notre réflexion, parce que cette fragilité atteste dans le même temps que la laïcité est dans une situation critique, qu’elle désigne moins la plénitude d’une réponse que la forme d’un problème ; et que pourtant elle doit être préservée, placée sous notre commune responsabilité, parce qu’elle est aujourd’hui une condition indépassable de l’existence sociale. Les propos qui suivent se répartiront selon ces deux orientations, entre un pôle (...)
Dans un pays qui n’a pas une seconde à perdre, ce problème du voile, qu’une poignée de principes et une pincée de logique pourraient suffire à résoudre, n’a que trop duré. Et ce, pour trois raisons :
1) un symbole est d’une importance capitale ; si tu l’interdis, comme le kurde ou le voile, alors tu en renforces le fétichisme, tu le rends plus compact, plus irréductible.
2) Comme disaient les speakers de foot de mon enfance, le kémalisme des années 1930 est en train de jouer les arrêts de jeu : il a (...)
La lettre du YÖK (Yüksek Öğretim Kurulu – Conseil de l’enseignement supérieur), qui a demandé aux professeurs de ne pas exclure les étudiantes voilées de leurs cours, dans les universités, a ravivé une polémique qui a régulièrement tenu le devant de la scène politique, en Turquie, au cours des deux dernières décennies. Toutefois, en dépit de l’ampleur des discussions qui agitent la société turque sur le sujet, la question semble être, cette fois, entrée dans une phase de banalisation.
Il y a deux ans et demi, (...)
Le Conseil de l’enseignement supérieur turc a donné l’ordre, la semaine dernière, à l’université d’Istanbul, l’une des plus grandes du pays, de ne plus exclure des salles de cours les étudiantes qui n’appliquent pas l’interdiction du port du voile.
Il s’agit du dernier rebondissement en date et l’un des plus marquants dans le bras de fer engagé entre ceux qui considèrent le voile comme un symbole de leur foi et ceux pour qui il menace directement la Constitution laïque turque. « J’étais prête à porter la (...)