C’est un jour de grande tristesse, le lendemain du décès de ma mère, que je croisai la face sombre de l’intégrisme religieux sous les traits du menuisier de notre quartier. Le matin où, le regard enlaidi par une jubilation mesquine, il refusa à mon père la fabrication du cercueil sous prétexte que notre famille n’était assez pieuse, et qu’il ne pouvait se compromettre ainsi auprès de Dieu, en répondant favorablement à notre demande. De mœurs bizarres, inconnues de ma famille, cet homme venait de (...)
La Turquie vit depuis près d’une semaine l’une des pages les plus importantes de son histoire récente et l’AKP l’un des plus gros défis qu’il ait connus depuis son arrivée au pouvoir en 2002. Qualifiés de « vandales » (çapulcu) par le Premier ministre Erdoğan, les manifestants n’ont pas tardé à faire œuvre de dérision et s’approprier le vocable, qui connaît désormais ses déclinaisons anglaise (« chapulling ») et française (« chapuler »). Retour en cinq parties sur des événements susceptibles de changer la face du (...)
Dix jours après l’évacuation par la force du parc Gezi, la Turquie se trouve dans une situation étrange. Pour Erdoğan, la neutralisation du centre névralgique de la contestation devait constituer l’ultime étape du rétablissement de l’ordre. Une fois les centres-villes du pays reconquis, la terreur d’État ferait son œuvre, et chacun rentrerait chez soi ou retournerait au travail. Terreur d’État il y a bien eu. Le gouvernement a fait savoir que les manifestants seraient désormais traités « comme des (...)
Samedi 22 juin, une semaine à peine après l’évacuation mani militari de Gezi Parkı, les manifestants étaient de retour sur Taksim, et la police a du faire à nouveau usage de ses canons à eau pour faire disparaître des revenants qui n’ont pas l’air de considérer que tout est fini. Au cours de la semaine qui vient de s’écouler, un certain nombre de manifestations, d’actes de résistance, de protestations civiques, à Istanbul et dans différentes villes de Turquie, ont montré que la situation était loin d’être (...)
L’évacuation violente, samedi soir, des occupants de la place et du parc d’Istanbul symbole de ces jours de révolte marque-t-elle le début ou la fin d’un mouvement contre la politique islamiste du gouvernement ?
« Ils interviendront ce soir. Les manifestants de Gezi n’auraient pas dû reconduire le mouvement. Pas la peine de jouer avec le feu. Il y aura une opération de police ce soir ou cette nuit, j’en suis presque sûr. »
L’homme qui fait ce pronostic ce samedi 15 juin vers 17h, place Taksim, n’a (...)
La question de la réalité de la victoire remportée par le premier ministre Erdoğan durant la nuit du 15 juin à Istanbul, mérite d’être posée. Certes, tout concoure à le déclarer vainqueur d’une épreuve de force sans précédent en Turquie depuis le coup d’État militaire de 1980. Il a mis fin à l’occupation du jardin Gezi, au cœur d’Istanbul, que lui-même, son gouvernement et son parti AKP ont déclarée illégale. Il a permis à la police, usant d’une violence extrême, de blesser et d’arrêter des milliers de (...)
Au matin du 11 juin, la place de Taksim a été évacuée et « nettoyée ». Il n’était pas pensable qu’une telle fête puisse durer indéfiniment, dans un tel pays et alors qu’une très sévère répression frappe les opposants depuis plus de deux ans. Nous avons vu au cours de la journée du 11 juin la réponse des manifestants et des mouvements de société civile à cette évacuation. Surtout, nous avons vu la réponse du pouvoir : brutale comme toujours, extrêmement brutale. Ce n’est pas étonnant.
Il est certain que l’arrivée (...)
Pour l’universitaire et éditorialiste Ahmet Insel, les événements montrent qu’une nouvelle génération a « pris goût au souffle de la liberté ».
Vous avez dit que la mobilisation actuelle à Istanbul incarnait la « nouvelle Turquie » et que le Premier ministre incarnait, quant à lui, la « Turquie ancienne ». Pouvez-vous nous décrire cette « nouvelle Turquie » ?
Ahmet Insel La nouvelle Turquie est en quelque sorte le résultat des mesures politiques et économiques adoptées depuis dix ans par le Premier ministre (...)
Monsieur le Premier ministre, nous te devons tant de remerciements. Tu as beau ne pas l’avoir voulu, voire même avoir souhaité tout le contraire, te voilà devenu notre sage-femme en chef. Tu as été « l’accoucheur » de la Société civile de Turquie. Je m’explique.
Dans un premier temps (après avoir remis l’économie sur les rails et lancé le processus de paix avec les Kurdes), tu as mis un terme à la « tutelle militaire kémaliste » qui pesait sur le pays et s’acharnait à couler tous les citoyens dans le même (...)
De retour de Turquie, une auteure franco-turque témoigne : Je rentre d’Istanbul. Si je n’y étais pas allée, je n’aurais pas compris. Je n’aurais pas ressenti « l’esprit de Gezi » si je ne l’avais pas vu de mes propres yeux, en dépit des milliers de photos et de vidéos que j’épie obsessionnellement sur Facebook et Twitter depuis le 30 mai.
Ce parc abrite des milliers « d’habitants » depuis quinze jours. On y trouve bien évidemment des tentes, mais aussi une infirmerie, une longue table où des volontaires (...)