Logo de Turquie Européenne
Accueil > Revue de presse > Archives 2005 > 03 - Articles de mars 2005 > La question de l’adhésion de la Turquie continue à peser sur la campagne du (...)

La question de l’adhésion de la Turquie continue à peser sur la campagne du référendum

mardi 22 mars 2005, par Gaëlle Dupont

Le Monde - 23/03/2005

Malgré les efforts de l’UMP pour déconnecter ce sujet de la ratification de la Constitution, l’électorat de droite demeure inquiet. Certains élus estiment que cela renforcera le « non »

UR LES MARCHÉS, dans les réunions publiques, dans les permanences, c’est la première question qui reste posée aux élus de droite à propos de l’Europe : l’adoption du projet de Constitution, le 29 mai, ouvrirait-elle la porte de l’Union à la Turquie ?

Pourtant, depuis l’entame des négociations d’adhésion avec ce pays, en décembre 2004, et l’engagement favorable de Jacques Chirac, la majorité a bien tenté d’endiguer la montée de l’inquiétude dans son électorat.

L’UMP, sous la direction de Nicolas Sarkozy, s’est prononcée massivement contre l’adhésion de la Turquie, et la Constitution française a été modifiée, afin de consulter la population par référendum pour toute nouvelle adhésion.

Peine perdue, pour l’heure. « La question de la Turquie sera un élément majeur du « non » au référendum », prévient Alain Marleix, député (UMP) du Cantal. « Je sais que c’est dans la tête des gens, et j’aborde toujours le sujet dans les réunions publiques, raconte Pierre Lequiller, président (UMP) de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne. Sinon ils croiraient que je veux l’esquiver. »

A ce rejet, il y a d’abord les « bonnes raisons », selon M. Lequiller. « Pourquoi, après l’élargissement, ouvrir de nouveau l’Union à un grand pays, situé à la fois dans l’Europe et en dehors, alors qu’on a déjà du mal à la faire fonctionner à vingt-cinq ? Les Français s’inquiètent aussi des éventuels nouveaux voisins : l’Arménie, la Syrie, l’Irak », résume l’élu.

« C’est la crainte d’un élargissement sans fin qui domine, avance Axel Poniatowski (UMP, Val-d’Oise). On a le sentiment, aujourd’hui, que l’Europe va trop vite. » L’Europe peut être perçue comme un « chantier permanent » et donner le sentiment qu’on est « embarqués dans un mouvement qu’on ne maîtrise pas », affirme François Sauvadet, porte-parole de l’UDF.

« L’ISLAM, EN APARTÉ »

Mais il y a aussi les « mauvaises raisons, un peu cachées », reconnaît M. Lequiller. « Jamais personne ne se lève pour dire qu’il ne veut pas de ce pays parce qu’il est musulman, mais on le devine », affirme-t-il. « Les gens parlent de l’islam, en aparté », relate Isabelle Debré, sénatrice (UMP) des Hauts-de-Seine.

« Pour les Français, les Turcs sont des Arabes, on leur explique qu’ils sont musulmans mais pas arabes, mais ils ne comprennent pas. Ils ne veulent pas qu’on donne le sentiment de financer des mosquées », rapporte M. Marleix. « Dans ma circonscription, le voile est beaucoup porté par les femmes turques, note Irène Tharin, députée (UMP) du Doubs. On ne nous croit pas quand on explique que la Turquie est un pays laïque. » L’absence de référence aux racines chrétiennes dans la Constitution renforce ces craintes.

Les images de femmes matraquées par des policiers, lors de manifestations en Turquie pour la Journée des femmes dimanche 6 mars, se superposent à ces préventions. Elles ont marqué à droite, mais aussi à gauche, au sein de laquelle le sujet turc taraude certes moins les électeurs : ceux-ci mettent d’abord l’accent sur le refus du libéralisme et la crainte des délocalisations.

Mais quand la Turquie est évoquée, la question des droits de l’homme et de la femme est toujours avancée pour rappeler le long chemin que le pays doit encore parcourir. « Les choses ne sont pas mûres », résume Michel Liebgott (PS, Moselle).

« RISQUES D’AMALGAME »

Moins interpellé par ses électeurs que la droite, le PS ne tient pas à mettre le sujet à l’ordre du jour. D’autant que la question de l’adhésion ne se posera pas avant une dizaine d’années. Selon Guy Lengagne, maire de Boulogne et député socialiste du Pas-de-Calais, ce sujet serait encore « tabou » au sein du parti. Ce n’est « pas un enjeu, affirme Pascal Terrasse. Pour ou contre l’adhésion, les avis sont très partagés »

C’est donc la droite favorable au « oui », qui va devoir travailler à déconnecter la question turque et le référendum. Son argumentaire est rodé. « C’est en votant « oui » à la Constitution que les Français pourront s’exprimer, le moment venu, sur la Turquie », affirme Luc Chatel, porte-parole de l’UMP.

Richard Mallié, député des Bouches-du-Rhône, lance le mot d’ordre du « « oui » [à la Constitution] pour le « non » [à l’entrée de la Turquie] ». « Il est aujourd’hui de [notre] devoir de mettre l’accent sur les risques d’amalgame, dans le mauvais sens, entre l’adoption de ce texte historique et l’adhésion de la Turquie », affirme M. Mallié dans un communiqué. Suite à la révision de la Constitution française, adoptée le 28 février, toute nouvelle adhésion sera subordonnée à un référendum en France. Les élus veulent aussi faire connaître cette « garantie ».

Paradoxalement, de nombreux Français voient déjà la Turquie dans l’Europe. La preuve ? Ils citent volontiers le fait qu’elle soit représentée au concours de Miss Europe et à l’Eurovision. Et la finale de la Ligue des champions de football aura lieu, le 25 mai, à Istanbul.

Télécharger au format PDFTélécharger le texte de l'article au format PDF

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0