Pour Ayse Böhlurer, dirigeante de l’AKP islamo-démocrate au pouvoir, son parti « n’est pas islamiste ». Elle défend la vocation du pays à intégrer l’UE.
Envoyée spéciale.
Ayse Böhlurer, productrice d’émissions de télévision consacrées aux problèmes des femmes et aux réalités sociales, est une jeune femme à la foi musulmane affirmée, portant foulard. Elle a été récemment nommée au comité directeur du parti au pouvoir, l’AKP - (islamo-démocrate). Mariée et mère de trois enfants, elle s’est engagée très tôt en politique puisqu’elle a participé dès 1991 à la fondation de l’AKP par l’actuel premier ministre, Tayyeb Recip - Erdogan, et ses amis.
Ayse Böhlurer est depuis toujours une partisane convaincue de l’adhésion de son pays à l’UE. « Depuis l’instauration de la République, explique-t-elle, la Turquie s’est résolument tournée vers l’Occident, et la majorité des gens se sentent européens plutôt qu’orientaux. Pour nous, l’UE n’est pas un club chrétien. C’est un club économique, libéral comme nous, même à l’AKP, et un club politique qui nous a ouvert la porte de la démocratie. Nous en avons besoin pour continuer à progresser en matière de droits humains et pour combattre les mouvements nationalistes et extrémistes qui sont contre ces droits. »
Sans langue de bois, elle estime que l’armée est responsable de l’absence de progrès dans bien des domaines et cite le problème de Chypre ou celui du Kurdistan. « Pour nous, le problème kurde est un problème de développement et de droits culturels. On a accepté l’ouverture d’écoles kurdes, mais l’armée y met des obstacles, bien que, selon la Constitution, elle n’ait pas préséance sur le gouvernement. C’est une lutte permanente pour que chaque institution occupe la place qui lui revient et que, peu à peu, la Turquie devienne un état de droit. »
Quant au risque d’islamisation rampante, mis en avant par les nationalistes et l’armée, Ayse Böhlurer affirme qu’il est inexistant. « La Turquie est un état laïque, c’est une réalité que nous ne cherchons pas à changer. L’AKP n’est pas un parti islamiste. C’est un parti libéral du point de vue économique, conservateur en ce qui concerne la famille et social car notre priorité est d’éradiquer la pauvreté et de réduire les inégalités. Beaucoup de nos adhérents sont croyants et attachés à l’identité musulmane, mais le Coran n’est pas la base de notre politique. »
Entretien réalisé par F. G.-R.