La plus importante visite de dirigeants européens depuis le feu vert donné en décembre par l’Union européenne à l’ouverture dès octobre de négociations d’adhésion avec Ankara a débuté sur une fausse note, avec la condamnation ferme d’un « usage disproportionné de la force » par la police turque.
« Nous avons été choqués par les images de la police frappant des femmes et des jeunes gens manifestant à Istanbul à l’occasion de la journée internationale des femmes », ont affirmé les représentants européens dans un communiqué diffusé à Bruxelles alors que débutaient les discussions avec les dirigeants turcs.
Des éléments de la police anti-émeutes ont fait usage dimanche de matraques et de gaz irritants à l’encontre de manifestants rassemblés à Istanbul à l’occasion de la journée internationale des femmes.
Le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul a exprimé lundi sa « tristesse » et annoncé qu’une enquête avait été ouverte pour examiner le comportement de la police au cours de cet incident.
« Tout le monde doit respecter la loi, mais quand ils (les gens) ne le font pas, la police doit faire très attention à la façon dont elle réagit », a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse conjointe avec les membres de la « troïka ».
« Ce n’est pas bon pour la perception de la Turquie en Europe, ce n’est pas bon pour le peuple turc non plus », a commenté le commissaire européen à l’Elargissement Olli Rehn avant d’affirmer sa satisfaction à l’annonce de l’ouverture d’une enquête.
Le chef de la diplomatie luxembourgeoise Jean Asselborn, dont le pays assure actuellement la présidence tournante de l’UE, a pour sa part rendu hommage aux réformes entreprises par la Turquie, tout en soulignant que « le rythme des réformes devrait être maintenu ».
M. Asselborn a notamment enjoint Ankara de renforcer les droits des minorités non musulmanes et kurde, d’assurer que les mesures de prévention contre la torture sont mises en œuvre dans l’ensemble du pays et de lutter contre les disparités économiques entre les régions.
La question de la reconnaissance de la République de Chypre par la Turquie a aussi été abordée au cours des entretiens, auxquels participait également le ministre britannique délégué aux Affaires européennes Denis MacShane.
L’UE a conditionné l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Turquie à la signature par celle-ci d’un protocole étendant aux dix nouveaux membres de l’UE, dont la République de Chypre, l’application d’un accord d’union douanière la liant déjà aux autres Etats membres.
M. Gul a réaffirmé que ce protocole serait signé « dans les temps », mais Ankara maintient que ce geste ne saurait être interprété comme une reconnaissance de facto de la République de Chypre.
Chypre est divisé depuis l’invasion de l’île en 1974 par les troupes turques en réaction à une tentative de coup d’Etat mené par des Chypriotes-Grecs et visant à la rattacher à la Grèce.
La République de Chypre administre la partie chypriote-grecque de l’île, seule entité reconnue internationalement. La République turque de Chypre du Nord (RTCN), autoproclamée en 1983, est reconnue par la seule Turquie.
Le rejet par les Chypriotes-Grecs, lors d’un référendum en avril, d’un plan de paix onusien a exaspéré l’UE, qui a cependant intégré la République de Chypre en mai, tandis que les Chypriotes-Turcs, qui avaient massivement approuvé le plan, sont restés à la porte de l’Europe.
M. Rehn devait rencontrer le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et le dirigeant du principal parti d’opposition Deniz Baykal plus tard dans la journée.
Il doit s’entretenir mardi à Istanbul avec des représentants de la société civile et des hommes d’affaires.