Le parti d’opposition social-démocrate au parlement turc a réélu son leader lors d’un congrès très mouvementé, émaillé de violentes bagarres qui ont porté un coup à son image et à sa popularité, déjà en baisse, et engagé un possible éclatement de la plus ancienne formation du pays.
M. Baykal, 66 ans, un ancien de la vie politique turque, plusieurs fois ministre, a remporté 674 voix alors que son seul rival Mustafa Sarigul, 48 ans, a recueilli 460 voix de 1.219 délégués du parti Républicain du peuple (CHP), qui ont voté aux premières heures de dimanche.
Le chef du CHP, élu pour la septième fois à ce poste, représente la vieille garde du CHP, créé en 1923 par le fondateur de la Turquie moderne et laïque, Mustafa Kemal Ataturk, tandis que M. Sarigul, maire populaire du district résidentiel de Sisli, à Istanbul, incarne l’aile réformatrice de ce parti.
Actuellement en chute dans les sondages, le CHP avait remporté 19% des suffrages aux élections législatives de novembre 2002, remportées haut la main (34%) par le parti de la Justice et du Développement (AKP, aux racines islamistes) du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui s’est assuré une majorité absolue au parlement.
La défaite aux municipales de 2004 avait été encore plus cuisante (41,5 % pour l’AKP et 18% pour le CHP), entraînant une grogne au sein du parti contre M. Baykal, qui dirige cette formation avec une poignée de fidèles.
Les réformateurs lui reprochent d’user de ses ambitions politiques pour écarter ses opposants au sein de son parti plutôt que de prétendre remporter les élections, ce qu’il n’a jamais su faire en plus de 13 ans à la tête du parti, et diriger le pays.
Devenu encombrant par sa popularité croissante, M. Sarigul a été accusé par M. Baykal d’avoir été impliqué dans des affaires de pots-de-vin et a été renvoyé devant une commission disciplinaire qui l’a blanchi.
Un congrès du CHP a été convoqué.
La mine souriante, dynamique et toujours accompagné de sa belle femme blonde Aylin, Sarigul incarne un certain espoir pour les millions d’électeurs qui votent à gauche et souhaitent que le parti constitue un rempart contre la dérive islamiste dans une Turquie musulmane, dirigée actuellement par une formation héritière de partis pro-islamistes interdits.
Lors du congrès extraordinaire du CHP qui s’est tenu dans un palais des sports d’Ankara archi-comble, des altercations ont éclaté entre militants à coups de poing et de sièges volant en l’air, provoquant une intervention de la police anti-émeutes.
M. Sarigul lui-même a frappé un adversaire politique.
Plusieurs personnes ont été blessées lors de ces incidents sans précédent, dont deux journalistes. Et tout cela devant les caméras de télévision.
La presse était très critique sur ces événements « qui ne sont pas digne du CHP ». « Guerre civile au congrès », titrait le journal Hurriyet, estimant que la « victoire à la Pyrrhus » remportée par M. Baykal devrait encore faire perdre des voix au parti maintenant divisé entre pro-Baykal et pro-Sarigul.
Ce dernier, amer, n’a pas fait connaître ses plans mais ses jours au parti ainsi que ceux d’une quinzaine de députés qui le soutiennent semblent comptés.
Les électeurs du parti s’interrogeaient de leur côté sur l’avenir du parti alors que l’AKP de M. Erdogan a plus que jamais le vent en poupe, après de bonnes performances dans l’économie et sa politique pro-européenne.
« C’est triste pour l’avenir de la Turquie, il n’y a maintenant presque plus d’opposition à la politique de l’AKP, c’est dangereux », a estimé Sinan Taskin, un enseignant en retraite.