Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, arrive ce soir à Londres pour une visite éclair de 24 heures. Il rencontrera Tony Blair mercredi, autour de deux dossiers majeurs qui devraient encore rapprocher, si faire se peut, les deux interlocuteurs : le terrorisme et la candidature européenne de la Turquie.
La Grande-Bretagne, qui vient de prendre pour six mois les commandes de la présidence tournante de l’Union, reste sans conteste le meilleur partisan de la candidature turque. Pour saluer une telle fidélité, Recep Tayyip Erdogan aurait, selon la rumeur, l’intention de ne pas arriver à Londres les mains vides. On lui prête en effet le projet d’offrir à son allié anglais le texte dûment paraphé du protocole d’élargissement d’union douanière, incluant les dix nouveaux pays membres, dont la République de Chypre, non reconnue par la Turquie.
La signature de ce texte, très attendue, fait partie des conditions sine qua non posées par Bruxelles en préalable aux négociations d’adhésion, le 3 octobre prochain. Elle impliquerait l’ouverture, par Ankara, de ses ports et aéroports à chacun des membres de l’Union, y compris aux Chypriotes grecs.
Cependant, selon les mêmes sources, certains points litigieux seraient encore à éclaircir, parmi lesquels la restriction de ce libre accès aux seules marchandises, et non aux « services » tels que ceux assurés par les compagnies de transport aérien. La Turquie pourrait également exiger qu’un paragraphe soit ajouté, précisant que l’élargissement de l’accord douanier ne vaut pas reconnaissance de Chypre.
Autre volet de cette visite : le terrorisme. Depuis plus d’un an, des liens forts se sont noués. Les événements récents ont ravivé la mémoire des attentats déjà commis, à Istanbul, en novembre 2003 : visant des cibles juives et britanniques, un groupe se déclarant proche d’al-Qaida avait revendiqué quatre attentats suicides qui avaient causé la mort de plus de 60 personnes, dont le consul de Grande-Bretagne.
Au lendemain de l’attentat de Kusadasi qui, la semaine dernière, a encore coûté la vie à une touriste anglaise, le chef de la diplomatie britannique a rappelé la nécessité d’une solidarité internationale contre le terrorisme. Rejetant au passage l’idée que les attentats seraient une punition d’al-Qaida contre les alliés des Etats-Unis en Irak, Jack Straw a cité l’exemple de la Turquie qui, quoique non impliquée, a cependant été visée à plusieurs reprises.
Cette déclaration aura sans doute mis du baume au cœur des dirigeants d’Ankara, qui cachent de moins en moins leur exaspération à l’égard de certains pays européens accusés de faire le jeu des poseurs de bombes. Furieux, le premier ministre pointait récemment, sans citer de nom, la responsabilité d’un « pays scandinave » abritant « un parti politique qui donne de l’argent à une organisation terroriste ».
Certains pays sont ainsi montrés du doigt par Ankara qui, à l’inverse, ne cesse d’affirmer son amitié à l’égard de la Grande-Bretagne. Cela n’empêche cependant pas certaines divergences globales entre la Turquie et l’Europe, notamment sur la question kurde. Considérant que la plupart des attentats commis récemment en Turquie, même s’ils ne sont pas tous revendiqués, sont le fait des séparatistes kurdes du PKK, l’ensemble de la classe politique turque, oubliant ses traditionnelles querelles, vient de faire bloc, aux côtés de l’armée, pour définir la lutte contre le PKK comme priorité numéro un.
La semaine dernière, Recep Tayyip Erdogan a, au nom du « droit à l’autodéfense », envisagé la possibilité pour l’armée turque de franchir la frontière irakienne pour mieux combattre la guérilla kurde. Sur ce projet qui a déjà suscité une mise en garde du gouvernement irakien, Ankara ne devrait trouver aucun appui à Londres.