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Turquie : PS et UMP tournent casaque

mercredi 9 juin 2004, par Eric Aeschimann

Liberation

Inquiets de leur score dimanche, les deux partis renient leur soutien à son adhésion.

L’UMP a opéré une brutale volte-face sur une éventuelle adhésion par peur d’une nouvelle poussée des listes eurosceptiques ; plus subtilement mais avec autant d’arrière-pensées électorales, le PS a décidé d’embrasser la cause arménienne à dix jours du scrutin. Pour les deux grands partis français de gouvernement, la campagne des élections européennes a été l’occasion de déchirantes révisions sur la question turque. Une sorte de surenchère qui a même valu à Pierre Moscovici, responsable du secrétariat international du PS et ardent partisan de la Turquie, des coups de fil inquiets de responsables de la gauche turque, sur le thème : « A quoi jouez-vous ? »

Revirement. L’impulsion de ce tournant dans l’histoire des relations franco-turques a été donnée il y a deux mois par Alain Juppé en personne. Lors d’une conférence de presse, le président de l’UMP a reconnu qu’il avait changé d’avis et que désormais, sa réponse était « non ». Hasard : quelques jours plus tôt, Philippe de Villiers, le dirigeant du Mouvement pour la France (MPF), avait dévoilé l’axe de sa campagne pour les européennes : la Turquie. A l’UMP, on comprend vite que la thématique est susceptible de capter les franges eurosceptiques de l’électorat UMP. En 1999, la liste conduite par le duo eurosceptique Philippe de Villiers et Charles Pasqua n’était-elle pas arrivée devant la liste RPR ? Avec son revirement sur la Turquie, Juppé a voulu éteindre l’incendie aux premières flammes.

« Il s’agit d’une manœuvre concertée, et au final Jacques Chirac soutiendra la candidature turque », assure Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes pendant la cohabitation Jospin. Peut-être. Sauf qu’en matière de manœuvre le Parti socialiste n’est pas en reste, puisque François Hollande, son premier secrétaire, vient d’imposer un virage à 180° en érigeant la reconnaissance du génocide arménien de 1915 comme « condition de l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne ». L’affaire est suffisamment cruciale pour que les associations arméniennes se soient battues en ce sens depuis des années.

Jusque-là, la position socialiste était à la fois d’appuyer la candidature turque et de réclamer la reconnaissance du génocide, mais sans aller jusqu’à en faire un préalable aux négociations. « Le génocide est une affaire complexe et, si la responsabilité des Turcs est évidente, en faire un préalable est une façon hypocrite de leur fermer la porte au nez », explique un expert socialiste. « La reconnaissance doit être exigée pour l’adhésion elle-même, mais non pour l’ouverture des négociations. Car ce sont les négociations qui permettront l’évolution de la société turque ; alors, la reconnaissance du génocide viendra naturellement », estime pour sa part Michel Rocard, tête de liste du PS dans le Sud-Est.

Affolement. Mais là aussi les calculettes ont fonctionné. Il y a un an, le parti arménien Dachnaktsoutioun menace de présenter des listes en Ile-de-France et dans le grand Sud-Est, où vit l’essentiel de la communauté arménienne. Affolement des élus locaux PS. A la fin de l’hiver, Hollande prend langue avec le parti arménien, qui, en échange de la promesse d’une inflexion de la ligne du PS, renonce à son projet. Placé en porte-à-faux, Pierre Moscovici tente désormais de faire la synthèse : « La reconnaissance du génocide est une condition politique. Nous restons favorables à l’adhésion. » Et de réclamer que le Conseil européen de décembre 2004, qui décidera de l’ouverture des négociations, demande à la Turquie d’assumer son passé. Le distinguo est subtil. Trop ?

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