La Cour européenne des droits de l’homme a déclaré vendredi irrecevable la plainte d’une famille chypriote-grecque privée de ses biens dans le Nord de Chypre après 1974, une décision qui va s’appliquer à 1.475 affaires analogues.
Takis et Eleni Demopoulos reprochaient à Ankara de ne pouvoir accéder à leurs biens dans la partie nord de l’île occupé par l’armée turque, après une tentative de coup d’Etat pour le rattachement à la Grèce.
Ils invoquaient notamment des violations du droit à la propriété, du droit au respect de la vie familiale et de l’interdiction de la discrimination.
Dans leur décision, les juges européens rejettent la plainte en estimant que tous les recours internes n’ont pas été épuisés.
Ils rappellent qu’il existe depuis 2005, à la demande de la CEDH, une commission d’indemnisation instituée après l’adoption par « la République turque de Chypre du Nord (RTCN) » d’une loi sur l’indemnisation des biens immobiliers à l’intérieur des frontières.
Les plaignants peuvent soit attendre un changement de la situation politique soit entreprendre des démarches auprès de cette commission, qui a déjà été saisie de 433 demandes en 30 mois et qui a été dotée de 37 millions de livres sterling, selon la Cour.
La Cour a rejeté les objections avancées par les plaignants qui invoquent « un manque d’impartialité » de la commission en raison notamment de la présence de personnel militaire turc et de la nomination de membres par le président de la RTNC.
Les juges n’ont pas non plus retenu les arguments concernant « une procédure trop onéreuse et inaccessible » ou encore « un manque de transparence et des problèmes de traduction ». Le jugement observe à ce propos que les plaignants ne sont pas allés devant la Haute cour administrative pour y présenter leurs allégations.
La Cour européenne avait annoncé en novembre dernier qu’elle rendrait « un arrêt-pilote » qui permettrait de statuer sur l’ensemble des plaintes en attente.
Lors de l’audience le 18 novembre devant la Grande chambre de la Cour, David Anderson, conseil des plaignants, avait rappelé que des ressortissants d’origine chypriote-grecque ne peuvent jouir de leurs biens dans la partie nord « car on ne leur donne que des visas de trois mois ».
« Il ne peut en outre y avoir de restitution lorsque le bien est occupé par des tiers », avait-t-il argumenté avant d’asséner que s’adresser à la commission revient pour un Chypriote-grec « à collaborer avec l’occupant ».
Les juges de Strasbourg avaient pris en 2005 un premier arrêt pilote en condamnant la Turquie pour violation du droit au respect du domicile et de protection de la propriété. La plaignante, Myra Xenides-Arestis, d’origine chypriote grecque, avait reçu 885.000 euros d’indemnités.