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Sommes-nous si bêtes ?

dimanche 14 août 2005, par Türker Alkan

Türker Alkan © Radikal 29-07-2005

La bataille pour la chancellerie fait rage chez nos amis d’outre-Rhin. Une fois n’est pas coutume, il est bon de savoir choisir ses têtes... de Turc. Türker Alkan, du quotidien Radikal, revient sur ce qui le fait bondir.

"J’y ai fait référence dans mon éditorial de la veille : un professeur allemand du nom de Weiss vient de déclarer que le niveau intellectuel des Turcs était faible et même le plus faible d’Europe !
Lorsque notre cher Aziz Nesin nous dit que 60 % des turcs sont stupides, on peut trouver ça amusant, on peut même s’en réjouir parce que le fond de sa démarche est de faciliter et d’amener une critique. Mais il n’est pas possible d’accepter, avec la même grâce, les assertions de Weiss et de ses semblables : parce qu’il faut être aveugle pour ne pas voir que ce qui sous-tend ces paroles n’est autre que relents racistes et fascisants.
La thèse selon laquelle ce sont les races qui déterminent les différentes caractéristiques humaines selon l’intelligence constitue l’un des plus anciens piliers de la pensée fasciste.
Selon le mode de pensée fasciste développé vers la fin du 19e siècle, des pays comme la Chine et le Japon n’auraient jamais pu se développer du fait de l’intelligence inadaptée de leurs peuples. Et puis comme le niveau d’intelligence se déterminait en fonction de critères biologiques, il n’y avait aucun recours possible. La meilleure chose à faire à ces races arriérées, et dépourvues de la moindre intelligence, consistait donc à occuper leurs pays et à leur montrer tout le bien qu’il pouvait y avoir à se faire diriger par d’autres. C’est là l’une des raisons légitimant l’impérialisme et les guerres coloniales. Que peut-il y avoir de plus naturel que la domination des races supérieures sur les races inférieures ?

Pour expliquer et légitimer les différences se développant dans un environnement capitaliste, le prétexte du différentiel d’intelligence a aussi été avancé. Dans les recherches effectuées (les tests d’intelligence), les points d’intelligence augmentent en fonction de l’élévation de la classe sociale. C’est-à-dire que ceux issus des classes sociales supérieures sont plus intelligents que ceux issus des classes sociales inférieures. Ce qui prouve que ceux qui se sont élevés le plus haut le doivent à une intelligence supérieure, c’est-à-dire qu’ils détiennent de bon droit cette position sociale privilégiée.
Cette découverte laissait ceux qui s’opposaient aux différences de classe, ceux qui luttaient contre les exploitations en tout genre, aux prises avec une certaine difficulté ...
Une façon de dire à tous ceux soucieux de mener une politique égalitariste qu’ils allaient ainsi à l’encontre de la loi naturelle.
Sur les scènes internationale comme nationale, la défense de la paix sociale et de l’égalité tombait ainsi dans une impasse. Et venant étayer ces différences d’intelligence entre classes et nations, toute sorte d’études étaient publiées. Des études « scientifiques » du genre de celles menées par le professeur Weiss.

Qui peut légitimement s’opposer à la parole scientifique ?
Si le professeur Weiss, retournant vers nous son regard fixe brandit sa règle dans une main et se met à dire, « Eh, les Turcs vous êtes stupides ! Et même pas comme Aziz Nesin le prétendait, pas à 60 %, mais bien à 100% ! », surtout en ces jours où approche le début des négociations d’adhésion à l’UE, ne devons-nous pas nous demander « que faire, que peut-on face à la science, pouvons-nous prétendre à la vérité contre ce grand professeur », puis nous taire ?
D’après moi, non.
Se moquer nous-mêmes de nos stupidités est une chose, mais se faire ainsi stigmatiser par d’autres en est une autre."

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