La propagation du virus H5N1 de la grippe aviaire, qui a causé la mort de millions d’oiseaux et d’une soixantaine de personnes, met la communauté scientifique et les autorités politiques en état d’alerte.
« De Washington à Bruxelles en passant par Hong Kong et Bangkok, les gouvernements ont tardivement pris en compte la menace globale représentée par le virus H5N1 de la grippe aviaire, désormais endémique dans la plupart des élevages de volailles d’Asie », note le Financial Times dans son éditorial. Face à la « terreur biologique », la « vigilance » est le maître mot, souligne le quotidien de la City. Le gouvernement américain a reconnu de son côté son manque de préparation à une pandémie et son ministre de la Santé, Michael Leavitt, a entamé une tournée en Asie pour discuter des moyens de prévention.
Apparu pour la première fois en 1997 à Hong Kong, le virus H5N1 de la grippe aviaire transmissible à l’homme a contaminé 112 personnes en Asie et 60 d’entre elles en sont mortes. Le Vietnam regroupe les deux tiers des cas humains mortels. Par ailleurs, des millions de volailles ont péri ou ont été abattues à titre préventif à travers le monde.
En juillet 2005, des scientifiques ont annoncé que non seulement les élevages de volailles étaient contaminés mais aussi les oiseaux migrateurs, ce qui accroît considérablement la capacité de propagation du virus. « Cet été, les experts vétérinaires ont prédit que le H5N1 risquait d’arriver jusqu’en Europe, après s’être cantonné initialement à l’Asie du Sud-Est, s’être propagé en Chine occidentale grâce aux oiseaux migrateurs, puis en Mongolie, au Kazakhstan et finalement au-delà de la chaîne de l’Oural, en Russie et en Ukraine », note le New York Times.
Cette crainte s’est confirmée la semaine dernière avec les premiers cas officiels de contamination en Turquie et en Roumanie. Deux mille volailles sont mortes de la maladie dans le nord-ouest de la Turquie et 1 500 poulets et dindes ont été abattus à titre préventif, alors qu’une zone de quarantaine d’un rayon de 3 kilomètres autour du foyer initial a été établie pour au moins vingt et un jours, annonce le Turkish Dalily News. Le quotidien anglophone turc rapporte également des cas de grippe aviaire H5N1 relevés en Roumanie, les premiers en Europe. Il s’agit de trois canards du delta du Danube. Cette région « comprend les terres humides les plus vastes d’Europe et représente une zone de migration importante pour les oiseaux sauvages venant de Russie, de Scandinavie, de Pologne et d’Allemagne ».
D’après les experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « la combinaison d’une mise en quarantaine, de médicaments antiviraux et d’une campagne de vaccination pourrait stopper une épidémie naissante », indique le FT. « Lutter contre la menace de la grippe aviaire nécessite une bonne surveillance sanitaire, de la transparence, une volonté de communiquer et une réaction rapide des autorités en cas d’épidémie. Dans la plupart des pays d’Asie, ces conditions ne sont pas réunies. Le monde n’est encore pas prêt », conclut le journal britannique.
De son côté, la recherche scientifique s’est penchée sur les épidémies de grippe au cours de l’Histoire. « Les deux plus récentes, en 1957 et 1968, ont été causées par des virus humains combinés à des virus de type aviaire. D’autre part, on sait aujourd’hui que le virus le plus mortel, celui de 1918, qui a tué entre 20 et 100 millions de personnes, était un virus aviaire qui a directement contaminé les humains », note l’International Herald Tribune. Ainsi, le journal américain publié à Paris commente dans son éditorial l’annonce récente faite par des chercheurs américains de la reconstitution du code génétique du virus dévastateur de 1918 dans un laboratoire de haute sécurité aux Etats-Unis : une nouvelle « aux conséquences à la fois effrayantes et prometteuses ».
Dans son édition européenne, l’hebdomadaire américain Time consacre son dossier de couverture à la menace mortelle que constitue la grippe aviaire sur la base d’« entretiens avec un virologue de Hong Kong, qui cherche des indices génétiques dans les arrière-cours boueuses des élevages de volailles en Asie, un médecin vietnamien qui étudie ceux qui ont déjà été infectés par le virus H5N1, et un épidémiologiste des Etats-Unis qui suit la trajectoire du virus à travers le monde. Il en ressort une impression commune : bien que nous ayons la possibilité de prévenir ou de limiter une pandémie de grippe, ceux qui sont en première ligne se préparent au pire ». D’ailleurs, le directeur de l’OMS, le Dr Lee Jong-wook, a déclaré cette année que « la grippe aviaire [était] la menace sanitaire la plus sérieuse à laquelle le monde est confronté », rapporte Time. Selon les scénarios les plus optimistes, une pandémie humaine causerait entre 2 et 7,4 millions de morts dans le monde.
Néanmoins, l’International Herald Tribune apporte une note optimiste en exposant les dernières découvertes scientifiques permettant de « développer des outils pour contenir une pandémie ». En dépit des mutations du virus, le journal souligne que « la catastrophe n’est pas forcément imminente. Personne ne sait combien de temps cela peut prendre pour que le virus H5N1 soit transmissible d’humain à humain. La grippe aviaire est là depuis des décennies sans s’être transformée en monstre. »
Philippe Randrianarimanana