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EUROPE-TURQUIE - Même déçus, les Turcs tiennent toujours à leur rêve européen

jeudi 6 octobre 2005, par Gungor Mengi

Courrier international - n° 779 - 6 oct. 2005

Un climat de révolte gagne la société turque devant les atermoiements de l’Union européenne - sans pour autant mettre fin à leur désir d’Europe, estime Vatan.

“Toutes les autres décisions concernant les relations entre la Turquie et l’Union ont toujours été prises à la dernière minute”, rappelait Javier Solana. En tenant ces propos, le week-end dernier, le représentant de l’UE pour la politique étrangère et la sécurité se voulait rassurant. La décision des 25 membres de l’Union européenne sur l’ouverture des négociations avec Ankara [qui devaient démarrer le 3 octobre] sera teintée de la déception des Turcs, qui croyaient innocemment aux promesses formulées, entre autres, par Daniel Hannan, député conservateur danois au Parlement européen. Celui-ci affirmait : “Dès qu’ils rempliront les critères de Copenhague [touchant à la démocratisation et aux droits de l’homme], ils seront admis dans l’Union.”
Malgré tout, cette expérience a permis de cimenter un esprit d’unité nationale pour faire savoir au monde entier où sont nos lignes jaunes. Même les défenseurs les plus fervents de l’adhésion à l’UE, qui estiment que celle-ci vaut les plus grands sacrifices du monde, sont d’accord sur les deux points suivants :
� Nous n’accepterons aucune autre formule que l’adhésion à part entière [telle qu’un partenariat privilégié].
� Nous n’accepterons jamais que la RTCN [République turque de Chypre du Nord] soit bradée aux Grecs.
Nos interlocuteurs européens doivent comprendre que ces deux messages, venant du peuple lui-même, ne seront pas affectés par les changements de gouvernement en Turquie. La manifestation organisée à Ankara ce week-end par le MHP [extrême droite turque] sous le slogan “Ankara est notre capitale” était à cet égard très significative. Le leader du parti, Devlet Bahçeli, a exhorté les dirigeants politiques à ne pas participer aux négociations. Face à la foule, il dénonçait “un processus de négociation vidé de son sens, destiné à nous tromper”.
L’émotion créée par cette manifestation en disait long sur la réaction des Turcs face à ce qu’ils perçoivent comme une injustice, une humiliation et une duperie. Mais c’est tout, rien de plus à ajouter. Car nous n’aurions aucun prétexte valable, que nos enfants approuveraient un jour, si nous abandonnions notre objectif européen.
L’Histoire ne doit pas s’arrêter. Le chemin que la Turquie a parcouru sur la voie de la démocratisation et des libertés a été réalisé à 90 % grâce à cette motivation. Le Premier ministre de la Turquie, Recep Erdogan, a affirmé que les réformes avaient été accomplies non pas pour faire plaisir à l’UE, mais avant tout pour bâtir pour nous-mêmes une société honorable, un avenir prospère et heureux, et qu’aucune décision européenne ne ferait changer de cap à notre pays.
Même le Premier ministre lui-même ne doit pas croire complètement à ce qu’il dit. Il n’est pas si facile que ça de vouloir construire une démocratie européenne au sein du Moyen-Orient ! Les forces réactionnaires, récalcitrantes aux changements, qu’on a pu faire reculer depuis des années en élargissant les acquis démocratiques, guettent la première occasion de reconquérir l’espace qu’elles ont perdu ; un tel scénario ne servirait pas non plus les intérêts de l’Union européenne.

Gungor Mengi
(Vatan)

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