19/10/2005 13h40 - AFP
PARIS, 19 oct 2005 (AFP) - Une partie du monde éducatif s’est lancé depuis quelques mois dans la défense des élèves sans-papiers et de leurs familles menacées de reconduite à la frontière, fier de « faire vivre » les valeurs républicaines qu’il a « mission » de transmettre.
A Vaux-en-Velin (Rhône), Perpignan, Sens (Yonne) ou Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), pas une semaine ne passe sans qu’élèves et enseignants d’un établissement ne se mettent en grève ou participent massivement à une manifestation pour éviter l’expulsion de jeunes scolarisés, mais en situation irrégulière.
L’Ecole obligatoire de Jules Ferry est tenue d’accueillir tout élève vivant sur le sol français, sans tenir compte de sa situation légale. Profs, parents et élèves vivent cette tradition républicaine d’ouverture avec une intensité nouvelle ces derniers mois, à mesure qu’ils organisent ce qu’ils appellent eux-mêmes « la résistance » contre des expulsions de plus en plus nombreuses.
« Nous avons un rôle déterminant en tant que défenseurs des valeurs de l’Ecole, les enseignants répondent présents assez facilement, mais c’est aussi très humain : imaginer un élève menotté en rétention et embarqué dans un avion pour retourner dans un pays de misère est proprement révoltant », explique Richard Moyon, enseignant et animateur du Réseau Education sans frontières (RESF).
Composé d’une cinquantaine d’organisations, dont les principales fédérations du monde éducatif (FSU, Unsa-Education, Sgen-CFDT) et de parents d’élèves (FCPE) mais aussi des associations d’aide aux immigrés (Mrap, Ligue des droits de l’homme, Cimade...), ce réseau coordonne depuis un an et demi l’aide aux jeunes sans-papiers scolarisés.
Sur environ 300.000 sans-papiers en France, RESF estime qu’« au moins 10.000 jeunes » sont scolarisés.
avec des fortunes diverses
Enseignants et élèves « ignorent souvent » la situation de ces jeunes, qui restent évidemment très discrets. L’apparition du réseau a attiré l’attention des uns comme des autres, propulsant des dizaines de cas sur la scène médiatique, avec des fortunes diverses.
Ainsi Guy Effeye, un Camerounais de 19 ans, du lycée Jacques-Feyder d’Epinay-sur-Seine (Seine-St.-Denis) est-il resté en France, tandis que Elaardi Boussaada, un Marocain de 19 ans, scolarisé à Perpignan a été expulsé.
« Dans un établissement, on n’est plus dans la froideur d’un texte appliqué aveuglément mais dans l’humain de tout ce que vivent ces jeunes quotidiennement », argumente Georges Dupon-Lahitte, président de la FCPE. De fait, les enseignants ont été souvent surpris par l’engagement spontané de leurs élèves, notamment les lycéens, auprès de leurs camarades en difficulté.
« Pour moi, pour nous, c’est quelque chose de formidable parce que ça veut dire que la trilogie républicaine, notamment la fraternité, est pour ces jeunes quelque chose qu’ils vivent », note M. Dupon-Lahitte.
Evidemment la jeunesse de ces sans-papiers donne « un impact médiatique plus fort », reconnaît-il.
Conscients de cette évidence, parents, enseignants et associations l’exploitent parfois jusqu’aux limites de la légalité. Ils ont ainsi organisé récemment des conférences de presse clandestines en présence de Rachel et Jonathan, 15 et 14 ans, en fuite depuis deux mois et demi pour éviter l’expulsion de leur famille vers la République démocratique du Congo.
Il faut « faire la démonstration aux yeux de nos élèves, de nos enfants, que les discours sur les +valeurs+ ne sont pas des mots creux », assure RESF dans son texte fondateur.
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