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Ankara progresse vers son adhésion à l’Union européenne

lundi 1er août 2005, par Marie-Michèle Martinet

Le Figaro - 01/08/2005

Après bien des atermoiements, la Turquie a finalement signé le protocole d’extension de l’accord d’union douanière qui la lie désormais aux dix nouveaux pays membres, parmi lesquels la République de Chypre, qu’elle ne reconnaît pas. Les restrictions apportées par Ankara à la signature de ce texte, capital pour l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union le 3 octobre, suscitent des interrogations, concernant notamment le règlement du problème chypriote.

Sitôt l’accord signé, à Bruxel les, le chef de la diplomatie turque, Abdullah Gül, qui l’avait pourtant précisé à maintes reprises, semblait encore douter d’avoir été bien compris : « La signature, la ratification et l’application de ce protocole ne signifient en rien une reconnaissance de la République de Chypre », répétait-il pour l’énième fois. Compte tenu des restrictions apportées par la Turquie, les réactions à la ratification très attendue de ce texte qui, selon les propres termes du porte-parole de la Commission eu ropéenne, Amadeu Altafaj, constituait « la dernière précondition pour ouvrir les négociations en octobre », ont été prudentes et mesurées. Voire déçues : tandis que le gouvernement chypriote exprimait de « profonds regrets », le porte-parole du ministère grec des Affaires étrangères, Georges Koumoutsakos, soulignait le « paradoxe politique et juridique » lié, selon lui, à l’insistance de la Turquie à ne pas reconnaître un pays membre de l’Union européenne, alors qu’elle s’apprête à entamer des négociations pour son adhésion. « Ce paradoxe doit disparaître, insistait Georges Koumoutsakos. Le plus tôt possible sera le mieux. »

A Ankara, en revanche, on se félicitait d’avoir franchi cette nouvelle étape décisive : « La Turquie a tenu ses engagements, il ne reste plus d’obstacle devant nous », triomphait Abdullah Gül. Même tonalité optimiste dans la presse : le quotidien Vatan donnait le ton, considérant qu’« un pas de plus vers l’Europe » était désormais franchi. Quand au journal Milliyet, il estimait que les Turcs avaient pris l’avantage sur les Chypriotes grecs pour faire prévaloir leurs vues auprès de l’UE.

Beaucoup moins euphorique, Mehmet Ali Talat, le président de l’Etat sécessionniste de Chypre-Nord (RTCN) craignait pour sa part que l’accord signé ne génère de nouvelles crises, amenant les différents partenaires à considérer l’absolue nécessité d’une résolution de la question chypriote qui, selon lui, est « impérative et ne saurait être retardée ». Comme pour lui donner rai son, les problèmes n’ont pas tardé à surgir : dès vendredi, jour de la signature à Bruxel les, le représentant de Chypre à la Commission européenne, Markos Kyprianou, accusait les Chypriotes turcs de « discrimination » pour lui avoir interdit le passage en zone Nord auquel ses plaques d’immatriculation diplomatiques lui donnaient droit.

« La position de Mehmet Ali Talat devient assez inconfortable, observait récemment un diplomate français en poste à Nicosie. Il s’est beaucoup démené pour remettre des né gociations sur les rails. Ses efforts n’ont, pour le moment, pas donné beaucoup de résultats, notamment parce que le gouvernement chypriote ne le considère pas comme un interlocuteur valable. » Selon ce diplomate, le président chypriote cherche à amener la Turquie, et non la RTCN, à la table de négociation.

De son côté, Ankara n’a pas l’intention de faire la moindre concession. Concernant, par exemple, la question essentielle pour Chypre de l’ouverture des ports et aéroports turcs aux navires et avions chypriotes, Abdullah Gül a opposé une fin de non-recevoir malgré la signature de l’accord douanier : « Ce protocole ne prévoit que la libre circulation des biens industriels, a précisé le chef de la diplomatie turque. Le secteur des services et la libre circulation des personnes sont des sujets liés à l’adhésion complète. »

La Turquie, qui estime avoir déjà lâché beaucoup de lest, entend conserver quelques atouts dans sa manche. Cependant, les exigences d’Ankara pourraient fragiliser un consensus déjà précaire en donnant des arguments supplémentaires aux adversaires de la candidature européenne d’Ankara. Les ministres des Affaires étrangères de l’Union, qui se réuniront le 1er septembre en Grande-Bretagne, devront se prononcer sur les termes de la déclaration turque. Comme il en a déjà brandi la menace, le président chypriote, Tassos Papadopoulos, pourrait alors utiliser son droit de veto pour barrer la route de l’Europe à la Turquie.

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