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Les déclarations de M. de Villepin sur la Turquie sèment le trouble

jeudi 4 août 2005, par Jean-Pierre Stroobants

Le Monde - 04/08/2005

Les déclarations faites, mardi 2 août, par Dominique de Villepin au sujet d’un report éventuel des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE) ont jeté un trouble évident dans les milieux communautaires. En affirmant qu’il n’était « pas concevable » que des discussions s’ouvrent, comme prévu, le 3 octobre, si les dirigeants d’Ankara ne reconnaissent pas au préalable la République de Chypre, en faisant même de cette question « un préalable », M. de Villepin a été le premier dirigeant européen à fixer aussi clairement des conditions.

L’UMP salue une « évolution significative »

La condition posée ­ reconnaître Chypre ­ par le premier ministre français, Dominique de Villepin, à l’ouverture du processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne a été saluée, mardi 2 août, par l’UMP, le parti majoritaire en France. « C’est une évolution significative » par rapport à la position jusqu’alors affichée par l’exécutif français sur ce dossier, a déclaré Luc Chatel, porte-parole de l’UMP. « C’est une position forte, frappée du bon sens. On imagine mal un Etat adhérer à une communauté sans reconnaître l’un des membres » , a ajouté M. Chatel, tout en précisant que l’UMP « reste sur -sa- position : pas d’adhésion -de la Turquie-, mais un partenariat privilégié » . S’il n’a pas remis en question le principe de l’entrée de la Turquie dans l’UE, M. de Villepin avait parlé, devant les députés, le 15 juin, de la nécessité d’« ouvrir une réflexion sur les modalités des élargissements futurs » .

Le gouvernement autrichien a toutefois également exprimé ses préoccupations et d’autres Etats membres, dont les Pays-Bas, où la « question turque » a lourdement pesé sur le résultats du référendum sur la Constitution, ne sont sans doute pas mécontents de voir le débat lancé, quelques semaines avant un conseil informel des ministres des affaires étrangères, les 1er et 2 septembre. C’est à cette occasion que les Vingt-Cinq doivent, en principe, poser le dernier acte politique avant l’ouverture des négociations avec Ankara. A savoir, fixer le cadre même de ces discussions, appelées à durer cinq années au moins.

En exprimant un point de vue qui ne semblait pas le sien jusqu’ici ­ ce qui a ajouté au trouble de la Commission et d’une bonne partie du Conseil européen ­ M. de Villepin a, en fait, pris le contre-pied de la position affichée par Olli Rehn, le commissaire à l’élargissement. Ce dernier estimait que la voie était déjà ouverte à l’ouverture des négociations et s’appuyait sur les conclusions du sommet européen de décembre 2004, ainsi que sur la ratification, par Ankara, d’un protocole étendant un accord d’union douanière UE-Turquie aux dix nouveaux Etats membres.

Le gouvernement turc a signé ce texte, vu comme un préalable indispensable par les dirigeants de l’Union, mais l’a assorti d’une clause qui n’a pas fait réagir la présidence britannique. Dans cette déclaration unilatérale publié le 29 juillet, la Turquie indiquait que sa signature n’équivalait pas à une reconnaissance de la République de Chypre.

« Nous sommes évidemment favorables à cette reconnaissance mais elle suit un processus parallèle » , a expliqué, mardi, un porte-parole de la Commission, faisant allusion aux discussions menées dans le cadre des Nations unies. Les Chypriotes grecs ont rejeté, en avril 2004, le plan de paix proposé par l’ONU pour mettre un terme au conflit né de l’intervention militaire turque en 1974, suivant elle-même le coup d’Etat de Chypriotes grecs désireux de rattacher l’île à la Grèce. La population chypriote turque a, elle, approuvé le plan des Nations unies.

S’efforçant de calmer la polémique naissante, la Commission affirme voir dans la déclaration de M. de Villepin « un appel à l’ouverture de la discussion » . Selon un porte-parole, le premier ministre n’a pas adopté « un point de vue fermé » .

Ce n’est visiblement pas l’avis des dirigeants turcs qui, selon une source anonyme, n’accepteront « jamais » que la reconnaissance de la République de Chypre soit un préalable à l’ouverture des négociations d’adhésion. La Commission semble partager leur avis lorsqu’elle indique que ce point doit évidemment être réglé, mais seulement avant la signature éventuelle d’un accord d’adhésion.

Les gouvernements chypriote et grec ont salué les propos du premier ministre français. Costas Caramanlis, le premier ministre grec, a annoncé le report de sa visite en Turquie au-delà du 3 octobre. Ce devait être la première visite d’un chef de gouvernement grec à Ankara depuis 46 ans.

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