Journaux et télévisions y voient tous un signe de mauvais augure. A la différence du sommet de décembre, où fut donné un feu orange à l’ouverture des négociations d’adhésion avec Ankara, le drapeau turc ne flottait pas cette fois devant le palais où se tenait le sommet européen. Certes, Bruxelles a mis les choses au point, rappelant que ni Premier ministre turc ni aucun leader de pays candidat n’était invité. Mais rien n’y fait. Cette absence des couleurs nationales nourrit les préoccupations turques alors que, le 3 octobre, doivent commencer les discussions. « Nous ne pouvons pas dire dès à présent que tout ce qui se passe au sein de l’UE n’affectera pas l’élargissement et la Turquie. Nous devons attendre que la poussière se dissipe », a affirmé samedi le chef de la diplomatie turque, Abdullah Gül. Jusqu’ici les leaders de l’AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir) et le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, issus du mouvement islamiste, tendaient à minimiser les conséquences des non aux référendums français et néerlandais pour rassurer l’opinion.
Les diplomates turcs assurent pourtant que rien ne devrait remettre en cause ce coup d’envoi, d’autant que la Grande-Bretagne qui occupera dès le 1er juillet la présidence de l’UE a toujours été favorable à l’adhésion turque. « Le gouvernement va garder un profil bas, car le plus important pour sa survie politique est de débuter ce processus. Le reste lui importe peu », ironise Semih Idiz, spécialiste européen de CNN-Turk, en marge d’un colloque international de l’UE à Antioche sur le dialogue interculturel. Désormais beaucoup de commentateurs commencent à se rendre compte que le processus de négociation pourrait être encore plus long et plus incertain. Il y a trois jours, après la volte-face de Chirac, désormais rangé parmi les turcosceptiques, le quotidien à grand tirage Hurriyet barrait sa une d’un « ras-le-bol » en français. Nombre d’analystes craignent le basculement d’une opinion jusqu’ici massivement europhile. Nilgun Cölasan, du quotidien Cumhuriyet (gauche républicaine), s’inquiète : « Où trouverons-nous la force pour continuer les réformes si les gens se lassent de ces continuelles humiliations ? »