Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a fait part, jeudi 4 août, à Ankara de son irritation après que la France a affirmé que la reconnaissance de la République de Chypre par son pays était un préalable au lancement de négociations d’adhésion avec l’Union européenne.« Il est hors de question pour nous d’envisager ou de parler d’une quelconque nouvelle condition concernant le processus d’adhésion devant débuter le 3 octobre », a déclaré M. Erdogan à des journalistes.
Le premier ministre français, Dominique de Villepin, avait affirmé, mardi, que la Turquie devait reconnaître la République de Chypre, membre de l’UE, avant de pouvoir entamer les pourparlers d’adhésion.« Il ne me paraît pas concevable qu’un processus quelconque de négociations puisse s’ouvrir avec un pays qui ne reconnaîtrait pas chacun des membres de l’Union européenne, c’est-à-dire les vingt-cinq », avait alors souligné M. Villepin sur la radio Europe 1. Le quotidien français Le Figaro, citant sans les nommer des ministres du gouvernement Villepin, avait également rapporté, mercredi, que le président Jacques Chirac avait soutenu en conseil des ministres la position du chef du gouvernement.
ERDOGAN DÉPLORE LE RETOURNEMENT DE POSITION FRANÇAIS
Ankara refuse de reconnaître la République de Chypre, seule autorité légitime sur l’île aux yeux de la communauté internationale, et membre de l’UE depuis mai 2004, tant que le conflit chypriote ne sera pas résolu. La semaine dernière, la Turquie a, par ailleurs, signé un protocole étendant aux dix nouveaux membres de l’UE, dont la République de Chypre, un accord d’union douanière la liant depuis 1996 au bloc européen. Cependant, elle a souligné dans une déclaration unilatérale que la signature de ce protocole n’équivalait pas à une reconnaissance du gouvernement chypriote grec.
M. Erdogan s’est dit déçu des remarques de MM. Villepin et Chirac, d’autant plus que ce dernier, a-t-il précisé, lui avait assuré, lors d’un entretien téléphonique après le sommet européen du 17 décembre - au cours duquel a été décidée l’ouverture de négociation d’adhésion avec la Turquie, le 3 octobre -, que la signature du protocole ne constituerait pas une reconnaissance de la République de Chypre.« Malheureusement, nous assistons maintenant à des déclarations contraires. C’est vraiment regrettable », a-t-il ajouté.
DOUSTE-BLAZY INSISTE
Au même moment, le chef de la diplomatie française, Philippe Douste-Blazy, qui s’exprimait dans Le Monde daté du vendredi 5 août, a justifié l’évolution de la position française. « C’est parce qu’il y a un élément nouveau : la déclaration annexe que la Turquie a souhaité adjoindre à sa signature, le 29 juillet, de l’accord d’union douanière étendu aux dix nouveaux entrants de l’UE, dont Chypre. Ankara y précise que cet accord douanier ne vaut pas reconnaissance de Chypre. C’est un geste unilatéral qui pose un problème sérieux », a-t-il expliqué.
« Soyons clairs : la question ne porte pas aujourd’hui sur l’adhésion de la Turquie, a-t-il ajouté. Elle est de savoir si un Etat, quel qu’il soit, peut se porter candidat à l’adhésion à l’UE tout en refusant d’en reconnaître l’ensemble des Etats membres. Ne pas vouloir reconnaître un pays de l’Union tout en voulant y entrer, ce n’est pas acceptable. Poser cette question, c’est du simple bon sens : on ne se prépare pas à entrer dans un groupe en déclarant d’abord qu’on récuse l’un de ses membres, en l’occurrence un Etat reconnu par la communauté internationale et disposant d’un siège à l’ONU. Nous souhaitons qu’il y ait au sein de l’UE une discussion approfondie sur cette question. On ne peut pas faire comme si elle n’existait pas. Ce n’est pas un changement de pied, c’est une exigence de clarification. »