A un mois du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, la France expose, dans un document remis aux Vingt-Cinq, ses vues sur l’élargissement.
Le débat sur les frontières de l’Europe n’aura pas lieu cette année. Un an après le non français à la Constitution, la France renonce à imposer ce sujet au Conseil européen de juin. « C’est un problème sans solution, donc un débat inutile, explique un diplomate français à Bruxelles. Pour éviter le sentiment de fuite en avant incontrôlée, nous devons plutôt mettre en valeur le pilotage politique du processus. »
Dans un document de travail daté du 12 mai 2006, qui sera présenté aujourd’hui aux ministres des Affaires étrangères de l’Union, la France expose ses vues sur l’élargissement à un mois du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement. Les premières lignes sont élogieuses. « L’élargissement est une chance historique pour l’Europe, qui contribue à assurer la paix, la sécurité, la stabilité et la démocratie », indique le texte, rappelant que l’entrée de dix nouveaux pays le 1er mai 2004 fut « une réussite remarquable ». Le document insiste également sur la nécessité de « respecter les engagements pris » par le Conseil européen vis-à-vis des pays candidats, sans nommer les Balkans et la Turquie.
Ce document a été accueilli avec soulagement par les Britanniques et les pays de l’Est, qui redoutaient un pamphlet anti-élargissement reflétant la mauvaise humeur du moment. Sur le fond, ils sont rassurés : le texte français s’inscrit dans la continuité de la politique extérieure voulue par Jacques Chirac, depuis longtemps favorable à l’extension de l’UE y compris à la Turquie.
Les bémols français, apparus après le non au référendum, tournent autour de « la capacité d’assimilation de l’Union », un concept vague, remis à la mode par la France et l’Autriche en 2005. « La capacité d’assimilation de l’UE revêt plusieurs dimensions : démocratique, institutionnelle, politique et financière », précise le texte. Mieux définie, la capacité d’absorption devra être évaluée par la Commission « à chaque fois qu’est envisagée une nouvelle étape du processus d’élargissement ».
Choix politique et stratégique
Cette nouvelle condition sera imposée à la Macédoine et à la Turquie, deux pays candidats qui seront soumis, en outre, à l’obligation constitutionnelle de référendum pour la ratification en France. Malgré cet obstacle français, de taille, les frontières de l’Union restent ouvertes. La géographie n’est pas un critère d’adhésion. L’élargissement demeure avant tout un choix politique et stratégique, soumis au respect de critères techniques évalués par la Commission. Les défenseurs du débat sur les frontières voulaient que le Conseil européen dresse une liste de pays susceptibles d’entrer dans l’Union, afin de montrer du doigt ceux qui n’auront jamais la chance d’en faire partie. Ils n’ont pas été suivis. Hormis la Croatie et la Turquie, qui ont déjà commencé leurs négociations avec Bruxelles, et la Macédoine, qui a vu son statut de pays candidat reconnu en décembre 2005, plusieurs pays candidats à la candidature, comme l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie peuvent toujours tenter leur chance.
15 mai 2006