Istanbul Correspondance
Dans une allocution à la nation, le président arménien Serge Sarkissian a annoncé, jeudi 22 avril, la décision « de ne pas abandonner, pour le moment, le processus, mais de suspendre la procédure de ratification des protocoles » signés en octobre 2009, à Zurich entre la Turquie et l’Arménie. Depuis cette date, les textes encadrant la réconciliation n’ont toujours pas été ratifiés. La perspective d’un rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays et d’une réouverture rapide de la frontière commune, fermée depuis 1993, semble s’éloigner.
Les trois partis qui forment la coalition au pouvoir à Erevan ont accusé la Turquie de « refuser de ratifier les protocoles sans poser de conditions préalables et dans un délai raisonnable », pour justifier leur décision. L’Arménie reproche à la Turquie d’avoir lié la ratification des protocoles à un éventuel accord sur le Nagorny-Karabakh, une province sécessionniste d’Azerbaïdjan contrôlée par l’Arménie depuis le milieu des années 1990. C’est en soutien à son allié azerbaïdjanais qu’Ankara avait décidé de fermer sa frontière orientale avec l’Arménie.
Depuis octobre 2009, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est fait l’écho des revendications de l’Azerbaïdjan. Jeudi, il a assuré que sa « détermination restait inchangée ». « Nous avons expliqué à plusieurs reprises comment le processus de ratification pouvait avancer et comment nous pouvons aller vers l’objectif d’une paix globale dans la région », a déclaré M. Erdogan à Ankara. Sa rencontre avec M. Sarkissian à Washington, en marge du sommet sur la sécurité nucléaire, n’a pas permis d’aplanir les différends.
CONFLIT LARVÉ
L’Azerbaïdjan, important partenaire énergétique de la Turquie, réclame un retrait de ses « territoires occupés » du Haut-Karabakh. D’après les représentants du groupe de Minsk de l’OSCE, chargé des négociations, de gros progrès ont été réalisés ces derniers mois sur cette question. En visite à Bakou en début de semaine, le ministre turc des affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a réaffirmé sa volonté d’un règlement dans ce conflit larvé dans le Sud-Caucase mais l’interventionnisme turc est mal perçu à Erevan.
L’annonce de cette suspension de la réconciliation turco-arménienne intervient à deux jours de l’anniversaire du déclenchement du génocide de 1915. A cette occasion, le président Barack Obama doit prononcer un discours. L’emploi du mot génocide, habituellement évité par Washington, pourrait déclencher la colère d’Ankara. « Je ne pense pas qu’il le fera », a estimé, jeudi, M. Erdogan.