Logo de Turquie Européenne
Accueil > Revue de presse > Archives 2006 > 05 - Articles de mai 2006 > A Denizli, un des berceaux du textile turc, la concurrence asiatique menace (...)

A Denizli, un des berceaux du textile turc, la concurrence asiatique menace la filière locale

lundi 1er mai 2006, par Guillaume Perrier

Le Monde - 28/04/06 - 15h14

JPEG - 13 ko

DENIZLI (Turquie) ENVOYÉ SPÉCIAL

Un gardien assoupi dans sa cahute veille sur les machines. Au milieu de la zone industrielle de Denizli, dans le sud-ouest de la Turquie, l’usine Abalioglu est déserte. Il y a encore peu, 200 ouvriers y produisaient 15 tonnes de fil de coton par jour. Mais le propriétaire, l’homme d’affaires local Orhan Abalioglu, a décidé de la vendre à un groupe indien, Super Spinning Mills, pour 7 millions de dollars (5,6 millions d’euros).

Selon M. Abalioglu, le textile turc n’a plus d’avenir, surtout depuis 2005 et la levée des quotas européens. Ses machines embarqueront pour l’Inde dans trois mois et les ouvriers seront reclassés dans les usines de nourriture pour animaux de la holding familiale.

Pour M. Abalioglu, pionnier du textile, l’aventure avait commencé dans les années 1940. Mais un récent voyage d’études en Chine l’a convaincu de jeter l’éponge. « Je pense que le secteur ira de plus en plus mal. C’est pour ça que nous nous retirons du textile », a commenté l’industriel qui, désormais, investit dans l’élevage de poulets.

Ce rachat par un Asiatique est une première dans l’un des bassins historiques du textile en Turquie. « Un vieil adage dit qu’ici les gens dorment mieux avec le bruit d’une machine à tisser », sourit Bülent Uygun, le secrétaire général de la chambre d’industrie.

Dans l’Antiquité, les Romains fabriquaient déjà du tissu à Denizli, mais c’est depuis vingt ans que cette ville a émergé comme l’un des pôles du secteur : 500 sociétés y emploient 55 000 personnes, la moitié de la population active. Avec une spécialité : le linge de maison.

Serviettes, peignoirs, draps, représentent 70 % de la production, surtout destinée à l’exportation, pour des marques comme Adidas. Mais la Chine a bouleversé la donne et toute la branche s’inquiète. Quelque 2 000 emplois ont été supprimés au premier trimestre, selon la chambre d’industrie. « Ici, on tient à peu près le coup mais l’avenir est incertain », reconnaît Ugur Erdogan, vice-président de l’Association des exportateurs textiles.

« DÉVELOPPER LE MARKETING »

Depuis 2002, la Turquie a perdu sa place de premier fournisseur de l’Europe, au profit de la Chine. A Istanbul, des ateliers ferment chaque semaine, asphyxiés par le coût de la main-d’œuvre quatre fois supérieur à la Chine, les prix records de l’énergie et la surévaluation de la livre turque.

Réunis pour une conférence intitulée « Le textile à Denizli se cherche un avenir », les patrons locaux tentent d’échafauder un plan de bataille. « On ne fera plus le même textile dans cinq ans, leur assure Emre Alkin, directeur général de l’Assemblée des exportateurs turcs. Il ne faut pas chercher à lutter contre la Chine sur les produits conventionnels mais il faut améliorer la qualité et investir sur la recherche-développement, développer le marketing, le branding et le design. »

Au niveau national, l’association des producteurs du textile-habillement a mis sur pied le « projet horizon 2010 ». Leur idée : faire d’Istanbul un centre mondial de la mode, et de l’Anatolie une zone de production haut de gamme.

Denizli va d’ailleurs inaugurer un « technopark » associant l’université et les entreprises pariant sur l’innovation. « Il faut améliorer la qualité et miser sur une production technique, sur les matières spéciales comme le coton biologique ou les tissus antibactériens », analyse Isik Tarikçioglu, professeur à l’université technique d’Izmir.

Orhan Abalioglu a vendu son usine aux Indiens mais son cousin, Ali, qui dirige sa propre holding, croit encore à la sauvegarde du secteur en Turquie. « Le processus avance. A la fin des années 1970, l’Europe a laissé le bas de gamme à la Turquie, maintenant nous le laissons à la Chine. La France ou l’Italie se sont spécialisées dans le textile haut de gamme mais commencent à s’en retirer. Nous devons faire aussi bien, moins cher. »

Article paru dans l’édition du 29/04/06

Télécharger au format PDFTélécharger le texte de l'article au format PDF

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0