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TURQUIE - Vite, un nouveau procès pour Öcalan !

jeudi 19 mai 2005, par Erdal Guven

Courrier International

La Cour européenne des droits de l’homme a recommandé à la Turquie, le 12 mai, de rejuger le leader séparatiste kurde. Selon Radikal, c’est une chance à saisir, pas un camouflet.

La décision finale de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) concernant le procès d’Abdullah “Apo” Öcalan est sans surprise du point de vue strictement juridique. Comme on s’y attendait, la Cour a considéré que le procès au cours duquel le leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a été condamné à mort, en 1999, violait certains articles de la Convention européenne des droits de l’homme en matière d’équité. Et elle a recommandé qu’il soit rejugé.

La Turquie est signataire de cette charte et elle accepte la compétence de la CEDH. Ankara ne peut donc se permettre de ne pas accepter ses jugements. Quant à l’exécution ou non de la recommandation de la Cour - rejuger Öcalan -, c’est une question purement politique. La procédure judiciaire s’est close avec l’arrêt de la CEDH ; à présent, c’est aux responsables politiques de se saisir du dossier. Celui-ci, en effet, doit d’abord être transmis au Comité des ministres du Conseil de l’Europe, qui doit viser les décisions de la Cour et veiller à leur application. Au rythme auquel le Comité travaille, il risque de ne pas prendre de décision avant plusieurs années. Et, une fois cette décision prise, le gouvernement turc pourra accepter de faire le nécessaire - ordonner un nouveau procès - ou laisser traîner l’affaire, comme il l’a déjà fait dans d’autres cas.

Toutefois, lorsqu’on analyse le verdict de la Cour de Strasbourg, il faut bien savoir en quoi il donne raison à Öcalan et en quoi il rejette ses plaintes. De ce point de vue-là, on peut dire que la Cour ne remet pas en cause le fond du procès Öcalan, mais sa forme et la procédure suivie. Concernant cette dernière, la Cour reproche une durée de la garde à vue excessive pour Öcalan, des délais trop brefs accordés à la défense et la présence, au début du procès, d’un juge militaire. En revanche, elle rejette les plaintes déposées par les avocats d’Apo concernant les conditions de l’arrestation (il a été arrêté par un commando turc au Kenya), son transfert vers la Turquie, ses conditions de détention actuelles, ainsi que la peine de prison prononcée à son égard, considérés comme autant de violations de ses droits au regard de la charte de la CEDH.
Quand le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan déclare que “la décision de la Cour n’infirme pas le fond du procès”, il n’a donc pas tout à fait tort. Ce qu’il faut garder à l’esprit, à présent que la balle passe dans le camp des politiques, c’est le calcul entre ce que la Turquie a à perdre ou à gagner en se conformant à la décision de la Cour et en faisant le nécessaire pour cela, ou en ignorant cette décision ou en retardant les démarches à effectuer.

Ankara doit appliquer la décision de la cour

Si la Turquie veut sortir de ce dilemme au moindre coût, elle doit concentrer son énergie et son intelligence à appliquer la décision de la Cour. Quels que soient les arguments, il est en effet dans son intérêt de préparer le plus rapidement possible un nouveau procès pour juger Öcalan. Car plus on le retardera, plus les conséquences seront néfastes : premièrement, les adversaires de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE) auront gagné un argument supplémentaire pour continuer à s’y opposer (comme s’ils n’en avaient pas déjà suffisamment) ; ensuite, la Turquie aura aidé et accéléré de son propre chef le processus que l’on présente déjà comme la politisation de l’affaire Öcalan et du PKK ; par ailleurs, les tensions qui naîtraient du prolongement de l’attente du nouveau procès seront instrumentalisées par les nationalistes kurdes et turcs, affectant ainsi la paix sociale en Turquie ; enfin, les efforts d’harmonisation du système judiciaire turc avec celui de l’UE subiront une rupture préjudiciable au rapprochement avec l’UE.

Le fond de la décision de la Cour de Strasbourg limite considérablement les marges de manœuvre d’Öcalan et rend difficile pour le leader du PKK l’exploitation à des fins politiques du nouveau procès qui doit avoir lieu. Il ne devrait pas être trop difficile pour la Turquie de rester strictement dans le cadre établi par la Cour. Il est clair qu’Ankara se trouve face à une épreuve difficile, mais elle peut la réussir avec succès et consolider la suprématie de la justice, pour peu que ses juristes, ses politiciens, ses militaires et son opinion publique en aient envie. De plus, une issue rapide et claire de l’affaire contribuerait à renforcer la paix sociale et à accélérer la démocratisation du pays. Vu sous cet angle, la recommandation de la Cour de reprendre le procès Öcalan ne doit pas être considérée comme un risque ou un piège, mais comme une chance à saisir.

Erdal Guven/Radikal

Militaires

Les militaires ne vont sûrement pas chercher à entraver un nouveau procès, estime Radikal. Déjà, en 1999, les gardiens de la laïcité et de l’unité de l’Etat, avaient respecté la décision du gouvernement de ne pas soumettre la peine capitale prononcée contre Öcalan à la ratification du Parlementet d’attendre d’abord la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, saisie par le chef du PKK. Entre-temps, la Turquie a pris d’elle-même l’initiative d’abolir la peine de mort.

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