L’historien britannique d’origine arménienne, Ara Sarafian, a vivement dénoncé le projet de loi du Parti Socialiste français visant à pénaliser la contestation publique de la thèse arménienne de « génocide » qui doit être soumis au Parlement le 18 mai prochain.
Dans une interview accordé au quotidien turc Zaman (édition du 11 mai 2006), il a invité la France à faire face à sa propre histoire et à se confronter d’abord à ses responsabilités dans les massacres perpétrés en Algérie et au Rwanda avant de s’impliquer de la sorte dans le différend historique turco-arménien. « Avec un tel passé, la posture de la France apparaît ironique » a-t-il déclaré.
L’historien, connu pour défendre la thèse du « génocide » arménien, s’est inquiété de l’impact que pourrait avoir la loi de censure française sur le débat historique engagé en Turquie autour des tragiques événements survenus en Anatolie orientale en 1915. Il a déclaré rejoindre la position des neuf intellectuels contestataires turcs dont une lettre ouverte a été publiée mercredi 10 mai dans le quotidien Libération, dans laquelle ces derniers s’élèvent contre la proposition de loi socialiste.
« En cas d’adoption de ce projet de loi en France, les relations entre la Turquie et l’Union Européenne vont se détériorer et la montée du nationalisme en Turquie va entraver le processus démocratique. Ce scénario fera l’affaire des courants nationalistes turc et arménien et contribuera, non pas à régler le problème, mais à le faire perdurer » a-t-il dit.
L’historien a en outre salué l’absence de « censure » en Turquie dans le débat autour de la question arménienne et a admis que des positions diverses, y compris celles radicalement opposées aux positions officielles turques, pouvaient être librement exprimées dans le pays. Il a estimé que grâce aux initiatives de la Turquie, les voies d’un règlement pacifique de la question arménienne étaient désormais ouvertes. A ce propos, il a invité l’Union Européenne à considérer d’abord les progrès réalisés sur ce sujet par la Turquie et les Arméniens avant de les juger.
Toutefois, selon Ara Sarafian, « le refus de la Turquie d’admettre jusqu’à présent l’existence d’une question arménienne a nourri et renforcé le front nationaliste radical arménien auquel nous sommes confrontés aujourd’hui ».
Il a également déploré l’exploitation en Europe du différend historique turco-arménien à des fins électoralistes et politiciennes par des partis et organisations « racistes, xénophobes et islamophobes » hostiles à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.
Ara Sarafian préside l’Institut Gomidas, dont le siège se trouve à Londres.
En mars dernier, l’historien avait essuyé les foudres de la diaspora arménienne en participant à une conférence à Istanbul et en acceptant la proposition du directeur de l’Institut Turc d’Histoire, Yusuf Halacoglu, de créer une commission conjointe et de travailler ensemble sur le différend historique turco-arménien.