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Petit cours de rattrapage pour ceux qui n’ont (encore) rien compris à ce qu’est Ergenekon

vendredi 30 janvier 2009, par Ismet Berkan, Mehmet Akkus

Samedi matin, nous discutions avec quelques amis, quand l’un d’eux, prit un journal parmi d’autres et jeta un coup d’œil à la première page. D’un air dépité, il nous lança « je ne comprendrai jamais rien à cette affaire Ergenekon ». Il porte un regard critique sur cette affaire. Il serait presque prêt à penser que c’est un faux procès , monté de toutes pièces, dans le but de faire taire les opposants à l’AKP. Je lui ai répondu que je croyais en cette affaire, que je la suivais depuis longtemps. J’ai par la suite expliqué ses tenants et ses aboutissants. Finalement, il semble avoir été convaincu. Maintenant, je souhaite vous l’exposer à vous, dans l’espoir, peut être, que je vous convaincrai aussi.

En 2003 et 2004, la Turquie a vécu plusieurs tentatives de coup d’état. En juillet 2003, les hauts gradés des forces armées, le chef d’état-major ainsi que les différents généraux des corps d’armée, ont mené une enquête au niveau national demandant à leurs cadres, s’il fallait ou non organiser un coup d’état. Une majorité a répondu par la négative en expliquant qu’il ne serait pas légitime. Cette fois, la menace de putsch n’a pas eu de suite mais elle est restée d’actualité.

Les instigateurs de ce projet sont deux commandants d’armée. Ce sont eux, qui ont essayé de convaincre le chef d’état-major de la nécessité d’un coup d’Etat. Leur dernière tentative remonte aux mois de janvier et février 2004 lors des négociations sur Chypre. Là encore, le chef d’état major n’a pas jugé un putsch utile. A la suite de quoi l’un des commandants a compris qu’il n’y avait plus aucune chance que l’armée organise un coup d’Etat . Il a donc décidé de démissionner pour mener son combat de l’extérieur. Quant à l’autre, il a abandonné toutes ces idées et a décidé de rentrer dans les rangs.

Faire barrage à l’UE

L’idée essentielle était la suivante : empêcher à tout prix que la Turquie obtienne le statut de pays candidat à l’UE, faute de quoi, l’AKP serait au pouvoir pour de longues années encore.
A cette époque, une féroce campagne de dénigrement était lancée contre les journalistes, les écrivains et les universitaires favorables à une solution négociée sur Chypre et à l’entrée de la Turquie dans l’UE.
L’expression « Les enfants de Karen Fogg » en faisait partie [ Karen Fogg était à cette époque la représentante de la Commission européenne à Ankara, NdT]. Un général, qui est actuellement mis en examen dans le cadre de l’affaire Ergenekon, avait préparé une liste, qui par la suite a été rendue publique, dans laquelle il énumérait « les journalistes traîtres à la patrie ». J’en faisais partie. Plusieurs noms de journalistes et d’intellectuels figuraient sur cette liste de la mort, appelée aussi « les enfants des missionnaires ». Le nom de Hrant Dink y figurait.

La stratégie de l’opiniâtre commandant putschiste était de faire descendre la population dans la rue pour de nobles motifs (sauvegarde de la démocratie et de la paix) afin d’inciter les militaires à intervenir. Pour cela, ils ne reculaient devant rien, pas même à organiser des attaques sanglantes. C’était écrit noir sur blanc dans son plan de préparation à un coup d’état.

Et effectivement, en 2006 ils ont mis ce plan en pratique. Tout d’abord, en lançant des bombes dans le jardin du journal Cumhuriyet. Puis la même bande agressa les juges du Conseil d’Etat. Ils ont ainsi réussi à transformer les funérailles d’un juge en une manifestation anti-gouvernementale, la plus importante que le pays ait jamais connu. Les commandants des forces armées ont été ovationnés, des pancartes les appelaient même à intervenir, le gouvernement a été hué et certains ministres ont été malmenés.

En 2007, les différentes « manifestations républicaines » ont élargi leur base. Le nombre des manifestants était incroyablement élevé, mais ceux qui criaient « ni charia ni coup d’Etat » ont été progressivement mis à l’écart.

Tout allait comme leur plan l’avait l’avait prévu . Seulement, la découverte, en juin 2007, de caches d’armes dans le quartier d’Ümraniye, à Istanbul, a changé le cours des événements.

L’affaire Ergenekon est le procès de ce réseau. Ce n’est pas à nous de dire qui est coupable ou qui ne l’est pas, c’est le travail de la justice. C’est pourquoi, nous ne devons ni minimiser le procès, ni nous mettre à la place des juges pour accuser ou innocenter quiconque.

- Pour plus de précisions

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Sources

Source : Radikal, 24 janvier 2009

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