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Mustapha Kemal, le modernisateur de la Turquie

mercredi 17 février 2010, par Pierre Bezbakh

LE MONDE ECONOMIE

La « saison de la Turquie en France », qui a commencé en juillet 2009, va se terminer en mars. Elle aura été très discrète, sans doute en raison des polémiques suscitées par la question de l’entrée de ce pays dans l’Union européenne.

Quoi qu’il en soit, la Turquie, déjà membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), est considérée comme l’un des pays les plus susceptibles de parvenir aux standards de développement occidentaux. A l’instar de la Chine et du Brésil, qui ont obtenu l’organisation de grands événements sportifs mondiaux, la Turquie postule à celle du championnat d’Europe de football 2016. Le succès de sa démarche serait une reconnaissance de son statut de grande puissance. Ce qui serait dû en grande partie aux réformes réalisées par Mustapha Kemal (1881-1938), dit Atatürk (le « père des Turcs »).

Né à Salonique (aujourd’hui en Grèce), celui-ci se fit connaître durant la première guerre mondiale par ses exploits militaires dans les Dardanelles, où il mit les Alliés en échec. Après la défaite de 1918, il poursuivit la lutte contre les Grecs et les Arméniens, dénonça le traité de Sèvres (10 août 1920), qui dépeçait l’Empire ottoman et lui faisait perdre de nombreux territoires. Il s’opposa alors au sultan Mehmet VI, accusé d’être soumis aux Occidentaux, installa un contre-gouvernement à Ankara et constitua une Grande Assemblée, dont il prit la présidence. De nouveaux succès militaires débouchèrent sur un accord international (traité de Lausanne, 24 juillet 1923). Renforcé, Kemal abolit le califat et devint le chef incontesté de la nouvelle République turque.

Conscient du retard d’un pays paralysé par les traditions, il mit en œuvre un plan de développement économique. Il encouragea l’augmentation des surfaces cultivées (1,8 million d’hectares en 1925, 6,3 millions en 1938), l’utilisation de tracteurs (grâce à des prêts accordés par la Banque agricole), l’irrigation, la création de coopératives... - la production de céréales passa ainsi de 0,8 million de tonnes en 1926 à 6,8 millions en 1938.

Il lança aussi un « programme d’industrialisation nationale », la Turquie possédant alors peu d’industries. La réalisation de ce programme fut rendue difficile par le manque de cadres, de techniciens et de capitaux, Kemal refusant de s’endetter vis-à-vis de l’étranger. Cependant, des cimenteries, des fonderies, des aciéries, des usines chimiques, des papeteries, des industries sucrières furent créées, et l’Etat construisit des centrales électriques pour fournir de l’énergie à ces industries.

Kemal engagea également un processus de laïcisation en supprimant l’impôt versé aux autorités religieuses, en remplaçant les principes coraniques par une législation laïque, en créant des écoles publiques se substituant aux établissements religieux. Il bouleversa la condition féminine en interdisant la polygamie, en donnant le droit de vote aux femmes, en leur ouvrant les portes des écoles, en instituant l’égalité des droits entre les sexes. Il interdit le port du fez - le couvre-chef traditionnel musulman -, latinisa l’écriture, introduisit le système métrique et le calendrier occidental. Ce volontarisme n’est pas sans rappeler celui de l’empereur du Japon Mitsuhito (1868- 1912), qui favorisa la transformation radicale de la société japonaise et jeta les bases du développement économique de son pays.

*Pierre Bezbakh est maître de conférences à l’université Paris-Dauphine.

Article paru dans l’édition du 16.02.10

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Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/opinions/arti...

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