Une semaine après avoir reçu la chancelière allemande, Angela Merkel, à Ankara, le premier ministre turc poursuit son parcours du combattant européen. Recep Tayyip Erdogan est en visite officielle, mardi 6 et mercredi 7 avril, en France, autre adversaire déclaré de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (UE).
Le déplacement est sensible, même si M. Erdogan et le président du Sénat, Gérard Larcher, pourront célébrer mardi soir la réussite de la Saison de la Turquie, neuf mois d’événements culturels en France qui s’achèvent par un gala à Versailles.
C’est la première fois que le leader du parti au pouvoir à Ankara est accueilli à Paris depuis que les négociations d’adhésion de la Turquie ont été ouvertes en décembre 2004. En 2008, il avait assisté au lancement de l’Union pour la Méditerranée. Mais cette fois, il rencontrera en 24 heures les quatre plus hauts personnages de l’Etat, avec notamment un déjeuner de travail à l’Elysée, mercredi.
Avec Nicolas Sarkozy, les relations peuvent être houleuses. « M. Sarkozy dit parfois des choses que la raison ne saurait accepter », avait glissé le bouillant premier ministre turc au lancement de la version turque de la chaîne Euronews, en janvier, à Istanbul. « Avant que M. Sarkozy n’arrive au pouvoir, j’avais d’excellents rapports avec M. Jacques Chirac », avait-il regretté devant les invités.
Les deux hommes entretiendraient pourtant des rapports cordiaux, estime-t-on dans l’entourage du président français, et partagent un même franc-parler. M. Erdogan devrait inviter M. Sarkozy, qui, depuis le début de sa carrière politique, n’est jamais venu en Turquie.
Au cours de cette visite, le processus d’adhésion à l’UE sera une nouvelle fois le principal sujet de discorde. « La Turquie est un grand pays. Nous ne voulons pas être un fardeau pour l’UE, nous voulons prendre une partie de son fardeau, a déclaré, lundi, M. Erdogan. Nous faisons notre devoir, et comptons adhérer à l’UE tôt ou tard. »
NÉGOCIATIONS AU POINT MORT
Mais les négociations sont quasiment stoppées, car seuls 12 des 35 chapitres des pourparlers d’adhésion ont pu être ouverts. Dix-huit autres sont bloqués par la France et Chypre, ainsi que par le refus de la Turquie de mettre en œuvre le protocole d’Ankara, qui permettrait aux avions et aux navires chypriotes grecs d’utiliser le territoire turc.
A défaut de se rapprocher sur l’Europe, Turcs et Français tenteront de préserver une relation bilatérale malmenée depuis 2005 avec l’adoption en France d’une proposition de loi pénalisant la négation du génocide arménien (qui avait handicapé les entreprises françaises), et l’opposition répétée de M. Sarkozy à l’adhésion turque.
Paris veut démontrer sa bonne foi dans l’aide apportée à la Turquie dans sa lutte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme terroriste par l’Union européenne. Après avoir longtemps fait preuve de laxisme, aux yeux d’Ankara, laissant notamment filer Riza Altun, financier du mouvement, la justice française a démantelé récemment un réseau de membres présumés du PKK, soupçonnés de trafics pour financer la guérilla.
Membre de l’OTAN, du G20 et du Conseil de sécurité de l’ONU, la Turquie sera sollicitée sur de nombreux dossiers internationaux au cours des rencontres officielles. Après l’Allemagne la semaine dernière, Paris tentera de rallier Ankara à la position européenne sur le dossier nucléaire iranien.
Jusqu’ici, Recep Tayyip Erdogan a fermement rejeté de nouvelles sanctions contre son « ami Ahmadinejad ».
Guillaume Perrier