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Euromed, un partenariat aux portes sud de l’Europe

vendredi 18 novembre 2005, par Hugues van Brabandt

Eurosduvillage.com

Par Hugues van BRABANDT

Euromed, dix ans depuis Barcelone. Un partenariat au voisinage de l’Union Européenne qui regroupe quelques 10 Etats méditerranéens, d’Israël au Maroc, en passant par la Palestine et la Syrie. L’outil diplomatique et économique de l’UE en Méditerranée. Les Euros du Village, qui, depuis leurs débuts, s’intéressent particulièrement aux frontières de l’Europe, vous proposent, après l’Ukraine, la Turquie, la Serbie, les régions ultrapériphériques et bientôt la Moldavie et la Bosnie-Herzégovine, de jeter un coup d’oeil aux portes sud de notre continent.

Euromed : qui et pour quoi faire ?

Lancé lors de la Conférence de Barcelone des 27-28 novembre 1995, le partenariat euro-méditerranéen, dénommé aussi « processus de Barcelone », rassemble depuis le 1er mai 2004 quelque 35 participants : les 25 États membres de l’Union européenne et 10 Etats du Sud et de l’Est de la Méditerranée : Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Liban, Syrie et Turquie. Chypre et Malte, qui faisaient partie des partenaires du Sud de la Méditerranée jusqu’au 1er mai 2004 sont désormais du côté de l’Union européenne suite à l’élargissement. On est donc passé, à cette date, d’une formation 15+12 à une formation 25+10. La Libye et la Mauritanie assistent aux conférences ministérielles des Affaires étrangères à titre d’observateurs depuis 1999.

Le partenariat euro-méditerranéen, consacré par la Déclaration de Barcelone, constitue depuis lors le cadre de référence des relations entre l’Union et ses voisins méditerranéens : il est l’outil diplomatique et économique de l’UE en Méditerranée.

Bref historique

Le propos n’est pas ici de retracer l’histoire des relations euro-méditerranéennes depuis le Traité de Rome mais il semble toutefois indispensable d’en évoquer brièvement les grandes lignes en remontant, de façon à ce que les principaux acteurs soient présents dans le cadre de cet exposé, à l’entrée de l’Espagne dans la Communauté Européenne. Ceci aux fins de disposer d’une toile de fond nous permettant de mettre en perspective ce processus de Barcelone.

Rapidement après son intégration à la CE en 1986, l’Espagne va procéder au transfert de ses préoccupations au niveau de la politique étrangère européenne. On peut affirmer qu’à partir de cette période la France et l’Espagne seront les principaux instigateurs des politiques européennes en méditerranée (dans le Maghreb principalement), promouvant la coopération dans la région. En parallèle se profile, en 1989, le début d’une intégration régionale au Maghreb : c’est la création de l’UMA (Union du Maghreb Arabe), composée du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de la Mauritanie et de la Libye. Parmi ses buts se trouvent la préservation de la Paix et la défense de l’indépendance des Etats membres. Mais l’UMA se révèlera vite être un échec, sa mise en place réelle étant en grande partie rendue impossible par l’opposition entre le Maroc et son voisin algérien sur la question du Sahara Occidental.

La France et l’Espagne vont dès lors avancer le fait que la meilleure manière de combattre l’immigration et l’insécurité venues de l’espace méditerranéen est d’y encourager la prospérité économique. Plusieurs projets euro-méditerranéens vont ainsi être proposés avant le processus de Barcelone de 1995, aucun ne donnant cependant de résultats convaincants. L’idée d’une Conférence de Sécurité et Coopération en Méditerranée (CSCM) sera par exemple lancée en septembre 1990, consacrant une approche innovante des relations avec les voisins méditerranéens en allant, tout en les incluant, plus loin que de simples relations économiques. Elle connaîtra cependant un destin évanescent, au même titre qu’une autre initiative de coopération : le groupe 5+5 (Espagne, France, Italie, Malte, Portugal, Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie). Celui-ci réunira les ministres des affaires étrangères des Etats concernés à quelques reprises mais la Guerre du Golfe, le conflit au Sahara Occidental et l’isolement international de la Libye condamneront ce projet. Notons cependant que ce dialogue 5+5 à repris ces dernières années et qu’il contribue désormais au Partenariat euro-méditerranéen par l’intermédiaire de propositions. C’est également le cas du « forum méditerranéen », organe informel créé en 1994 sur initiative franco-égyptienne mais dont l’impact demeure insignifiant (tout au plus sert-il à rapprocher les positions de ses 11 participants avant les réunions dans le cadre plus large à 27 du partenariat euro-méditerranéen).

Un grand pas sera cependant franchi lors du Conseil européen de Lisbonne en 1992, qui, suite à la signature du Traité de Maastricht instaurant la PESC, identifiera les régions prioritaires pour l’action de celle-ci. Au nombre de ces régions se trouve le Maghreb, décrit comme présentant une grande importance pour l’Union en termes de sécurité, mais où la stabilité est menacée. En effet, au même moment, les intérêts des pays européens - France et Espagne surtout - semblent en péril au Maghreb, ceci en raison du coup d’Etat algérien et d’un risque de crise avec le Maroc.

Dans la droite ligne de ces diverses avancées en matière de coopération entre l’Europe et le Maghreb, le Conseil européen d’Essen approuvera, en décembre 1994, la proposition de mettre en place pour fin 1995 à Barcelone une Conférence euro-méditerranéenne destinée à mettre à jour les politiques méditerranéennes de l’Union, considérées comme prioritaires. Les lignes directrices de la Commission, dont le travail est centré sur la création d’une zone de libre-échange, ainsi que le travail autour des aspects politiques de la Conférence, préparés dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), aboutiront au rapport de synthèse adopté par le Conseil en avril 1995, et qui sera lui-même à la base de la Déclaration de Barcelone de novembre 1995.

Douze pays méditerranéens (auxquels s’ajoutent les quinze de l’UE de l’époque) signeront à Barcelone cette Déclaration qui comprend trois aspects : un volet économique et financier ayant pour objectif principal la mise en place d’une zone de libre échange pour 2010, un volet politique et de sécurité ayant pour but de définir un espace commun de paix et de stabilité et, enfin, un volet social, culturel et humain, relevant plus de la rhétorique que de l’engagement concret. Le « Partenariat Euromed » que la Déclaration consacre sera désormais, comme mentionné plus haut, l’outil diplomatique et économique de l’UE en Méditerranée.

Le contenu de la Déclaration de Barcelone (1995)

Le partenariat comporte donc trois volets :

1. Aspects politiques

La déclaration de Barcelone met en place un « Partenariat politique et de sécurité : définir un espace commun de paix et de stabilité ». Les Etats signataires s’engagent notamment à respecter la Charte des Nations unies et la déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi qu’à développer l’Etat de droit et la démocratie.

La conclusion d’un projet de Charte euro-méditerranéenne de paix et de stabilité était également prévue dans la Déclaration mais les difficultés rencontrées par le processus de paix au Proche Orient ont constitué une entrave à sa finalisation. Le processus de Barcelone reste cependant la seule enceinte régionale qui réunisse à la même table Israël et les pays arabes.

Lors de la Conférence ministérielle de Naples (décembre 2003 dite Barcelone VI) a été lancé le projet d’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, qui s’est réunie pour la première fois les 22 et 23 mars 2004 à Athènes. Disposant d’un rôle consultatif pour l’ensemble des sujets du partenariat euro-méditerranéen, elle est composée de 240 membres dont 120 pour l’Union européenne et réunit des Parlementaires nationaux et européens.

2. Aspects économiques

La déclaration de Barcelone prévoit un « Partenariat économique et financier : construire une zone de prospérité partagée ».

Le processus vise, à travers les accords d’association, à la création d’une zone de libre-échange, initialement envisagée pour l’horizon 2010. Cet outil principal qu’est l’accord d’association est bimultilatéral puisque chaque pays participant doit négocier avec tous les pays de l’Union européenne. En effet, chaque accord signé doit être ratifié par le Parlement européen et les 25 parlements nationaux. De tels accords sont aujourd’hui conclus avec tous les partenaires méditerranéens à l’exception de la Syrie. Ces accords sont d’ores et déjà en vigueur à l’exception de ceux avec l’Algérie et le Liban, en cours de ratification.

La coopération est alimentée par les crédits du programme européen MEDA (5,35 milliards d’euros pour MEDA II) auxquels s’ajoutent les prêts accordés à la Méditerranée par la Banque européenne d’investissement (BEI) (7,4 milliards d’euros), soit un total de 13 milliards d’euros pour la période de 2000-2006.

Par ailleurs, les efforts en vue d’une plus grande intégration régionale ont connu un progrès majeur avec la signature à Rabat le 25 février 2004 de l’accord d’Agadir prévoyant la mise en place à court terme d’une zone de libre échange entre le Maroc, la Tunisie, la Jordanie et l’Egypte. Faute de ratification, l’entrée en application de l’accord en question a cependant été repoussé et il demeure assez difficile d’évaluer l’impact qu’il pourra avoir sur le Partenariat.

3. Volet culturel, social et humain

Enfin la déclaration de Barcelone prévoit un « Partenariat dans les domaines social, culturel et humain : développer les ressources humaines, favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles ».

A la Conférence de Naples a par exemple été lancé le projet de Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue des cultures, qui promouvra un dialogue culturel dans le domaine des échanges intellectuels et artistiques.

En d’autres termes, le volet politique a pour objectif d’entretenir les conditions de stabilité permettant la mise en �uvre des réformes économiques et sociales ; le volet économique constitue l’axe principal du processus ayant pour but la création progressive d’une zone de libre-échange, concernant principalement les produits industriels et étant soutenu par un appui financier de l’Union facilitant les ajustements structurels ; et le dernier volet vise à atténuer les coûts sociaux liés aux ajustements par sa dimension « sociale et humaine ».

Bilan provisoire et perspectives d’évolution

Malgré son évolution lente (en raison de cet outil complexe qu’est l’accord d’association notamment), ce partenariat progresse - étant virtuellement facilité par le récent Accord d’Agadir - et demeure le cadre de référence des relations euro-méditerranéennes. Toutefois, l’acquis principal du processus de Barcelone est d’avoir fait revivre l’identité méditerranéenne et d’avoir permis une prise de conscience générale des retards à combler et des évolutions et réformes nécessaires à cette fin. Sur le plan des résultats économiques en effet, le partenariat n’a pas atteint ses objectifs.

Un facteur d’évolution majeur réside dans la nouvelle Politique Européenne de Voisinage (PEV). Elle modifie profondément le contexte dans lequel s’inscrit le Partenariat euro-méditerranéen. En effet, alors qu’en 1995, Barcelone dessinait un espace Euromed à 15+12, la PEV forme aujourd’hui un ensemble hétéroclite comprenant les 25, les candidats officiels, les candidats potentiels et les nombreux « voisins » désignés par la PEV (dont 9 MED). Outre ce changement de cadre radical, les nouvelles perspectives d’intégration économique qui y sont proposées, bien qu’allant dans un même sens que les dispositions du processus, risquent toutefois d’entamer son unité dans la mesure où il s’agit en quelque sorte de dispositions « à la carte ».

Enfin, les recommandations relatives au futur du Partenariat euro-méditerranéen généralement mises en avant concernent l’approfondissement du processus de réformes entreprises en l’étendant à des secteurs de la vie économique allant au-delà des secteurs concernés directement par la libéralisation du commerce et la promotion du développement institutionnel de manière à inclure davantage le secteur privé et à favoriser la participation de la société civile.

A voir :

Le site d’Euromed sur le portail de la Commission européenne : http://europa.eu.int/comm/external_...

Pour se faire une idée concrète, le dernier rapport de synthèse de la Commission européenne sur le processus de Barcelone (2001) :
http://europa.eu.int/comm/external_......,

Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme : www.euromedrights.net

Sur Europe plus net, « Euromed ou le processus de Barcelone » :
www.europeplusnet.info/article226.html

A lire :

BARBE, E., « The Barcelona Conference : Launching Pad of a Process », dans Mediterranean Politics, vol. 1, n°1, 1996, p. 25.

SID AHMED, A., « Le Maghreb, rencontre avec le troisième millénaire : l’impératif de Barcelone. Rapport d’introduction », dans Annuaire de l’Afrique du Nord, 1996, pp. 16-25.

BISCOP, S., Euro-Mediterranean Security, Burlington, Ashgate, 2003, pp.26-27.

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