Le saxophoniste Ilhan Ersahin, agitateur turc de la nouvelle scène new-yorkaise, fondateur du label Nublu, invite dans son quartette Istanbul Sessions le trompettiste Erik Truffaz et le violoncelliste Vincent Segal, tous deux par ailleurs manipulateurs d’électronique et d’effets divers. D’Istanbul à New York, leurs concerts ressemblent à des transes ou à des cérémonies, pour un public, dit Truffaz, « de 20 ans à... ». Ils seront, samedi 13 mars, à l’Espace Fraternité d’Aubervilliers pour la deuxième soirée du festival Banlieues bleues, organisé en Seine-Saint-Denis jusqu’au 16 avril.
D’origine turque, né en Suède d’où vient sa mère, Ilhan Ersahin balade son saxophone d’Istanbul à New York au bras de son épouse brésilienne. Icône parfaite pour Banlieues bleues, cinq semaines d’inventions et de découvertes en Seine-Saint-Denis.
A New York, dans les endroits chauds de l’East Village, Ilhan Ersahin suscite toutes les formules, toutes les rencontres, toutes les fusions. Ersahin a son club, son label (Nublu), et les déclarations du programme de Banlieues bleues, festival fou et festif, doivent, pour le qualifier, casser le coffre à qualificatifs : fusion, impro, groove électro, hip-hop, funk, drum’n’bass, musiques du monde.
Avec Truffaz, Ilhan Ersahin et son quartette doté d’un fantastique percussionniste, Izzet Kizil, vient de publier un album, Istanbul Sessions (paru le 8 mars). C’est une musique qui ne s’en fait pas. Une musique sophistiquée au point qu’elle donne à penser qu’elle ne s’en fait pas. Un voyage, un déplacement dans l’espace-temps, et parfois, sur scène, des sets endiablés qui durent deux heures. Aigris du vrai jazz, autant passer votre chemin. Pudibonds, itou. Trop de jouissance en vue.
Comment se sont-ils rencontrés ? « Je l’ai entendu sur album dans un club d’Istanbul, dit Erik Truffaz, le Dulcinea, où je jouais. C’était avec Larry Grenadier à la contrebasse. Ce son, cette énergie, m’ont convaincu de partir à sa recherche, à New York. On s’est vus, on a cherché la forme ensemble. Ce projet m’a beaucoup plu. » Le point fort, évidemment, c’est la rythmique turque, « une dynamique bien énergique, dans la durée ». Leurs prestations tiennent de l’expérience, de la transe, de l’éros syncopé. « Quand je l’ai connu, Ersahin était assez free, trop même. Mais là, c’est libre, avec intelligence. » Trop free ? « Tant que la musique est belle, elle n’est jamais trop free, mais chaque artiste doit, à mon sens, rester conscient de la magie de son langage. En tant qu’artistes, il arrive qu’on soit un peu égocentriques. On ne se rend pas bien compte des limites, on oublie le temps. »
Le disque Istanbul Sessions célèbre judicieusement l’année de la Turquie. Plongée dans le modal, le nappé, l’incantatoire, sur des modes assez singuliers, rehaussés de gammes qui s’apparentent à la musique turque et à celle des Balkans : « Moi, poursuit Erik Truffaz, j’apprends, et pour la musique des Balkans, j’ai fréquenté pas mal de Gitans à Istanbul. Les musiciens qui m’ont le plus impressionné dans la vie ? Les Gitans et Mike Brecker (sax ténor historique, mort en 2007). Quand j’ai joué avec Christophe, lui aussi invitait plein de Gitans. Bien entendu, j’aime le flamenco, je vais tous les ans à Grenade pour les écouter. » Ouvrez grand les oreilles. Le jazz a changé de forme. C’est d’ailleurs, depuis 1899, sa définition.
Ilhan Ersahin Istanbul Sessions invite Erik Truffaz et Vincent Segal.
Espace Fraternité, 10-12, rue de la Gare, Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Samedi 13 mars, à 20 h 30. Mo Aubervilliers-Pantin-Quatre-Chemins. De 10 € à 16 €.
Ilhan Ersahin’s Istanbul Sessions with Erik Truffaz, 1 CD Nublu Records/Discograph. Prochain concert : Château Palmer, Cenon (Gironde), le 20 mars, à 21 heures.
Par Francis Marmande.
La 27e édition de Banlieues bleues
Concerts.
Organisé du 12 mars au 16 avril dans seize salles de la Seine-Saint-Denis, Banlieues bleues propose une quarantaine de concerts. The Soul Rebels, fanfare orléanaise dans les rues de Pantin, dimanche 14 mars, puis à La Dynamo, les 15 et 16 : le NDR Big Band, avec le pianiste Omar Sosa, Espace des arts de Pavillons-sous-Bois, le 17 ; Roscoe Mitchell, anches, Muhal Richard Abrams, piano, et George Lewis, trombone, au Forum du Blanc-Mesnil, le 20 ; la chanteuse Mina Agossi, à La Dynamo, le 25, et le saxophoniste Olivier Temime, le 26 ; le violoncelliste Didier Petit, à l’Auditorium du conservatoire de Stains, le 26 ; le chanteur Beñat Achiary, salle Pablo-Neruda, à Bobigny, le 30 ; Archie Shepp, au Forum du Blanc-Mesnil, le 15 avril, et le traditionnel concert final de flamenco, avec Miguel Poveda et Enrique Morente, à la MC93 de Bobigny, le 16 avril.
Actions musicales. En parallèle aux concerts, Banlieues bleues organise des rencontres, ateliers et conférences avec certains des artistes programmés : The Soul Rebels ; Sandra Nkaké ; autour de la comédie musicale Ain’t Misbehavin, mise en scène par Troy Poplous ; Ilhan Ershin ; Benat Achiary ; André Ceccarelli...
Renseignements. Les bureaux du festival sont installés à La Dynamo, 9, rue Gabrielle-Josserand (Pantin). Selon les concerts, le prix des billets varie de 6 € à 20 € avec de nombreuses possibilités de forfaits. Tél. : 01-49-22-10-10.