En fait, pourquoi faudrait-il choisir entre Chirac et Merkel ? En effet de ces deux politiciens conservateurs, l’un est allemand, l’autre français. L’un est une femme, l’autre un homme. L’un est un Président en fin de mandat, l’autre est un leader plutôt « frais » puisque probable chancelier allemand à la fin du mois prochain.
Le point de vue d’Ismet Berkan, rédacteur en chef du quotidien Radikal.
Mais il y a cependant un trait qui les rapproche : ce sont deux politiciens opposés à la perspective d’une adhésion de la Turquie à l’UE. Mais dans cette opposition même, ce refus, ils parviennent encore à se différencier. Chirac est un peu plus du genre maquignon, retors ou dissimulateur. Or Merkel, c’est tout le contraire. Quoi qu’elle ait à dire, elle le dit tout haut, elle n’est pas du genre à vous sourire sur le seuil de la porte pour changer de propos dans votre dos.
Par exemple, Chirac n’a jamais déclaré être opposé à l’adhésion de la Turquie à l’UE, et même s’est-il parfois fendu de quelques soutiens à Ankara. Mais l’idée d’un référendum pour trancher de la question d’une possible adhésion de la Turquie vient bien de lui, alors qu’il n’y avait pas de demande expresse en ce sens.
Par exemple encore, il a donné l’impression de ne pas être favorable à des solutions intermédiaires du genre « partenariat privilégié » mais au lendemain du 17 décembre, à son retour à Paris, s’est-il empressé de déclarer qu’il était question de trois possibilités en ce qui concerne la Turquie.
Selon Chirac, la première possibilité, mais la moins probable étant l’achèvement complet des négociations et à ce moment, la France se serait prononcée par référendum.
La seconde, c’était le renoncement turc à l’adhésion pleine et entière, en plein milieu des négociations, en faveur d’un partenariat privilégié (Notez bien, c’est à la Turquie de souhaiter ce partenariat privilégié).
Quant à la dernière, c’était le renoncement pur et simple au processus. Ce qu’il avait tout d’abord lié au désir de la Turquie, ce partenariat privilégié, Chirac veut aujourd’hui l’inclure dans le cadre du document traçant la marche des négociations d’adhésion, c’est-à-dire qu’il souhaite le consacrer, de manière juridique et officielle, comme l’une des alternatives à l’adhésion.
A l’inverse de ces revirements brutaux comme de cette volonté de faire feu de tout bois à l’encontre de la Turquie chez Chirac, le leader des démocrates-chrétiens allemand, très sérieux candidat à la chancellerie, a jugé convenable d’exposer clairement sa position à l’égard de la Turquie, n’hésitant pas à faire pour cela le déplacement jusqu’à Ankara. Et depuis le début, elle reste fidèle à cette attitude.
Il y a quelques jours encore, de manière à confirmer son positionnement, Angela Merkel s’est fendue d’une lettre à tous les dirigeants européens en souhaitant que, non pas l’adhésion, mais un partenariat privilégié soit proposé à la Turquie.
Merkel est plus franche. Ses positions plus claires. En comparaison, Chirac est un « embrouilleur » : ses revirements successifs à l’égard de la Turquie procèdent-ils de considérations de politique interne, d’un compte à régler avec l’Angleterre, d’une sorte de racisme inavoué. Aucun moyen de le savoir.
Mais s’il y a une chose que je sais, c’est que, Dieu nous en garde, si je suis un jour obligé de choisir entre ces deux leaders, c’est Merkel que je retiendrais, parce qu’elle a au moins l’avantage d’être d’un bloc.