Le conflit qui oppose actuellement la France et la Turquie concernant la reconnaissance du génocide arménien comme pré-requis indispensable pour la rentrée dans l’Europe de la contrée néanmoins berceau de la « Sublime Porte » pourrait avoir des conséquences économiques importantes sur les entreprises françaises.
Notre gouvernement ne saurait -il pas ainsi apprécier le côté « sublime » de la porte qui pourrait ainsi s’entrouvrir devant la Turquie, ou chercherait il plutôt des alliés du côté de l’Arménie qui sera prochainement liée à l’Iran via un - voire deux - gazoducs des plus stratégiques... qui pourrait faciliter l’accès du pétrole vers l’Europe ?
Allez savoir, peut-être que Jacques Chirac est tout simplement en proie à une crise aigüe de « respect des droits humains » comme dans le cadre du conflit entre Russie et Géorgie. Mais un simple coup d’oeil sur une carte pourrait nous faire douter ... tellement la Géorgie et l’Arménie apparaissent comme « des couloirs » on ne peut plus stratégique pour écouler le pétrole de la mer Caspienne.
Pas de boycott français à l’initiative d’Ankara
Le gouvernement d’Ankara ne prendra pas l’initiative d’un boycottage des produits français en Turquie à cause de la question arménienne, mais cela pourrait résulter d’une action de la société civile, a estimé jeudi à Bruxelles le ministre turc de l’Economie Ali Babacan.
« En temps que gouvernement turc, nous ne prendrons pas la tête d’un tel mouvement, nous ne l’organiserons pas », a expliqué à quelques journalistes M. Babacan, qui est aussi le principal négociateur pour les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE. Il a néanmoins précisé que si certains secteurs de la société, certaines actions civiles, voulaient agir dans ce sens, il revenait au peuple turc d’en décider.
L’adoption jeudi par les députés français d’une proposition de loi rendant passible de prison la négation du génocide arménien a suscité immédiatement la colère d’Ankara. Ce vote porte un « coup dur » aux relations franco-turques, a assuré le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué, selon lequel la France « perd malheureusement sa position privilégiée au sein du peuple turc ». Préalablement au vote, la Turquie avait brandi la menace de représailles économiques.
Peugeot voit « un risque » de réaction en Turquie
Jean Saint-Geours, directeur général de Peugeot, a estimé jeudi qu’il y avait « un risque » de représailles économiques en Turquie après le vote par l’assemblée nationale d’une proposition de loi rendant passible de prison la négation du génocide arménien, mais qu’il fallait « attendre de voir comment les choses évoluent ».
Pur Mr Saint-Geours, le risque est considéré comme certain. Il a ainsi rappelé que lors de l’adoption de textes sur le sujet en 2001 par les députés français, des positions similaires de la Turquie avaient d’ores et déjà pu être constatées, via manifestations et mises en garde du gouvernement turc.
« Nous allons voir ce qui se passe cette fois-ci, il faut attendre de voir comment les choses évoluent », a-t-il ajouté. M. Saint-Geours a indiqué que Peugeot détenait environ 5 à 6% du marché automobile turc.
Les intérêts français en Turquie sur la sellette
Les 250 entreprises françaises implantées en Turquie pourraient voir leurs efforts une nouvelle fois mis à mal par l’adoption de la proposition de loi. La Turquie est un partenaire commercial privilégié de la France qui est son 5è fournisseur avec 4,7 milliards d’euros d’exportations. Les échanges se sont chiffrés en 2005 à 8,2 mds d’euros. En 2001 déjà, le vote par les députés français d’une loi reconnaissant le caractère génocidaire des massacres d’Arméniens avait suscité de vives réactions d’Ankara. Plusieurs entreprises françaises comme Thomson ou Alcatel avaient alors été exclues d’appels d’offres publics tandis que se multipliaient les appels au boycott des produits de l’Hexagone.
La Turquie a déjà prévenu que les relations bilatérales pourraient souffrir de « dommages irréparables ». Raphael Esposito, directeur de la chambre de commerce franco-turque prédit de grosses difficultés pour les firmes françaises dans toutes leurs démarches douanières et administratives, « sans parler de l’exclusion des appels d’offres publics ».
Parmi les multiples contrats publics potentiels en Turquie se trouve l’achat de 52 hélicoptères militaires et civils pour un montant de plusieurs centaines de millions d’euros. Le français Eurocopter est en lice avec 3 autres firmes étrangères. L’Etat turc devrait annoncer son choix d’ici la fin de l’année mais les chances d’Eurocopter seraient quasiment réduites désormais. Le contrat de construction de 3 centrales nucléaires pour un montant estimé à 4 mds d’euros serait aussi sur la sellette. Le directeur pour la Turquie de la société de restauration Sodexho chiffre à un million d’euros le manque à gagner occasionné à son entreprise en 2001 par 2 semaines de boycott de ses cantines.
La Turquie affiche désormais des records de croissance (9,9% en 2004, 7,6% en 2005, 7,5% au premier semestre 2006). Les sociétés françaises sont par ailleurs fortement impliquées dans des grands projets d’infrastructure dans plusieurs grandes villes, dont Istanbul, qui prévoit de renforcer le réseau de son métro.
Gazoduc entre Arménie et Iran
Alors que l’Arménie accueille sur son territoire 2 bases militaires russes, Gazprom a pourtant décidé, le 1er avril dernier, une augmentation substantielle du prix du m3 de gaz russe. Dans ce contexte, le projet de gazoduc irano-arménien devient d’autant plus stratégique. Actuellement en construction, le pipe - d’un coût de 220 millions de dollars - devrait être terminé pour la fin de l’année en vue d’approvisionner en gaz naturel l’Arménie, et permettre le transport annuel de 2,8 milliards de m3 de gaz iranien.
La capacité du gazoduc, en regard de la récente augmentation des prix du gaz russe et de l’intérêt croissant des Iraniens pour des exportations vers la Géorgie et ultérieurement via la mer Noire, serait néanmoins par trop limitée. Ce gazoduc a en effet été construit, sous la pression des Russes, à des dimensions (diamètre de 70 cm) qui lui permettront de répondre aux seuls besoins en gaz de l’Arménie. Impossible dès lors de l’utiliser pour exporter du gaz en Géorgie. Il prévoit tout Monsieur Poutine : machaviélique, notre nouveau gaz « devil » ?
A l’issue de la rencontre à Erévan le 30 août dernier, le vice-ministre iranien du Pétrole et le ministre arménien de l’Energie ont affirmé que le gazoduc Iran-Arménie sera en activité avant la fin 2006. Longue de 160 km, la partie du gazoduc qui traverse l’Arménie de Meghri à Katcharan s’étend sur 71 km.
L’ambassade américaine en Arménie a également fait savoir que le projet de gazoduc irano-arménien ne constituait pas une violation du régime de sanctions imposées par Washington à Téhéran. Les Etats-Unis affichent en effet l’ambition d’étendre leur influence dans les nouveaux pays bordant la mer Caspienne, afin de les désenclaver en les détachant de l’influence exclusive de la Russie et de celle potentielle de l’Iran, et en apportant sur le marché une nouvelle source d’approvisionnement en hydrocarbures.
Projet d’un 2e gazoduc Iran-Arménie vers Pays Tiers ...
Le renforcement des relations entre l’Arménie et l’Iran découle des intérêts des deux pays et de toute la région, a déclaré mardi 12 décembre 2006 le premier ministre arménien, Andranik Markarian, lors d’un entretien avec le président du Majlis (parlement) iranien, Gholam-Ali Haddad-Adel, en visite officielle à Erevan. Au terme d’une rencontre avec le président de l’Assemblée nationale arménienne Tigran Torossian le président du parlement iranien Gholam ali Haddad Adel a annoncé que l’Iran et l’Arménie envisageaient de construire un deuxième gazoduc reliant les deux pays.
La construction de ce nouveau gazoduc viserait notamment à desservir l’Arménie, mais pourrait aussi servir à « transporter du gaz vers des pays tiers ». Nous y voilà ....
Ni la date de début des travaux ni leur coût n’ont été alors précisés. L’Iran fournira du gaz à l’Arménie en janvier 2007 au plus tard. Selon l’accord irano-arménien, l’Iran livrera 36 milliards de m3 de gaz naturel en Arménie pendant 20 ans. Les parties peuvent proroger l’accord de 5 ans et porter les exportations iraniennes à 47 milliards de m3 de gaz. Le gaz iranien sera transformé en électricité, exportée ensuite vers l’Iran ou utilisée en Arménie.
Le diamètre du gazoduc (700 mm) pourrait être porté à 1500 mm ce qui permettrait daugmenter sa capacité à 27-30 milliards de m3 de gaz par an.