En quinze ans, la guérilla lancée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) sous la houlette d’Abdullah Öcalan et la violente réaction du governement turc auront provoqué plus de 30 000 morts et le déplacement forcé d’un million de personnes.
Années 1970 : Abdullah Öcalan est étudiant à la faculté des sciences politiques d’Ankara avec une bourse du ministère des Finances. Il fait l’objet d’une très brève détention pendant les grandes rafles dans les milieux étudiants turcs après le coup d’Etat de 1971. « La justice de cette époque n’a traité personne avec autant de compréhension et de clémence qu’Apo [’père’, surnom d’Öcalan] », rappelle Cumhuriyet. C’était l’époque d’une très grande répression dans le pays, et de nombreux jeunes dans les mouvements de gauche ont été condamnés à de très lourdes peines de prison, trois d’entre eux ont été exécutés et d’autres torturés. Öcalan, lui, a été relâché au bout de quelques jours, ce qui avait soulevé quelques doutes quant à ses éventuelles relations avec les services secrets turcs.
27 novembre 1978 : Öcalan fonde, avec une vingtaine de partisans de la lutte armée, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui fait son entrée en scène en 1979, lors d’une « expédition punitive » contre la tribu kurde des Bucak, à Ufa, qui lui inflige une sévère défaite. Öcalan prend conscience du besoin d’une meilleure formation pour ses militants et en envoie une centaine dans la vallée de la Bekaa, au Liban, auprès du Front populaire de libération de la Palestine.
Juin 1979 : Öcalan s’enfuit en Syrie. En 1982, lors du deuxième congrès du PKK, il s’impose comme leader, notamment parce que les autres dirigeants sont morts sous la torture ou lors de grèves de la faim. C’est également lors de ce congrès que le PKK choisit le chemin de la lutte armée. Les premières actions antiturques ont lieu à la mi-août 1984 et, jusqu’en 1985, elles rencontrent un certain succès, infligeant des pertes importantes à l’armée turque. Parallèlement, Öcalan se débarrasse des autres mouvements kurdes qui pourraient entraver sa stratégie, ainsi que de ses adversaires internes, et règne en maître absolu du mouvement, n’hésitant pas à faire exécuter les « traîtres », accusés d’avoir exploité la guérilla pour leur enrichissement personnel.
1986 : Lors du troisième congrès du PKK, au Liban, Öcalan détaille les nouvelles cibles de la guérilla, qui frappera désormais tous les symboles de l’Etat turc, instituteurs, ouvriers et ingénieurs, considérés comme « agents du gouvernement ». A partir de 1987, Ankara décide de répliquer aux attaques par la terreur et instaure l’Etat d’urgence, faisant monter d’un cran la violence. En 1991, une loi antiterreur déclenche en réaction une « intifada kurde » et le massacre de centaines de civils par l’armée turque.
Mai 1992 : Parution d’Ozgür Gündem, premier quotidien kurde. Il sera interdit deux ans plus tard.
Mars 1995 : MED-TV, première télévision kurde par satellite, liée au PKK, commence à émettre. La même année, le Parlement kurde en exil est constitué. Il sera dissous en 1999 par Öcalan depuis sa cellule.
5 octobre 1998 : Sous la pression de la Turquie, la Syrie expulse Öcalan. Il fait une escale en Grèce, puis s’arrête un mois en Russie avant de repartir pour Rome, qu’il quitte le 16 janvier 1999 pour retourner en Russie. Le 1er février, Öcalan est expulsé vers la Grèce, d’où il est envoyé au Kenya à la demande des autorités américaines. Le 15 février 1999, Öcalan est arrêté par les autorités kenyanes, qui le remettent à des agents du gouvernement turc.
31 mai - 29 juin 1999 : Procès et condamnation d’Öcalan à la peine de mort pour trahison et tentative de division de la Turquie. La peine est commuée en prison à vie en 2002, après l’abolition de la peine de mort par la Turquie.
8 juillet 1999 : Fermée en février, MED-TV devient Medya-TV.
1er septembre 1999 : Depuis sa cellule de la prison de l’île d’Imrali, dans la mer de Marmara, Öcalan ordonne l’abandon de la lutte armée. Actuellement, le PKK se limite à réclamer la démocratisation de la Turquie et le droit de parler la langue kurde.
21 novembre 2000 : Ouverture de la procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), après la plainte déposée par Öcalan contre la Turquie pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme pendant son arrestation, son incarcération et son procès.
12 mars 2003 : La CEDH donne partiellement gain de cause à Öcalan, considérant que sa condamnation à mort en 1999, prononcée « à l’issue d’un procès inéquitable », constituait un « traitement inhumain ». Elle ne retient pas, en revanche, les plaintes d’Öcalan concernant ses conditions de détention et celles de son arrestation. Les deux parties font appel.
9 juin 2004 : Réexamen devant la CEDH d’un recours d’Öcalan contre la Turquie, concernant notamment ses conditions de détention.
12 mai 2005 : La CEDH confirme la condamnation de la Turquie pour « procès inéquitable » et recommande la tenue d’un nouveau procès.
Entre 1984 et 1999, on estime que les combats auront fait près de 30 000 morts kurdes et turcs. Le gouvernement, de son côté, aura déplacé plus de 1 million de villageois, souvent par la force, pour « priver l’organisation séparatiste de ses bases logistiques » et armé près de 60 000 Kurdes comme « gardiens de village » contre le PKK.