Istanbul Correspondance
Dans un secteur aérien frappé par la crise en 2009 (- 6 % du trafic en Europe), la compagnie nationale turque, Turkish Airlines (Turk Hava Yollari) poursuit, elle, une progression fulgurante. Avec une croissance de 11 % du nombre de passagers transportés (25,1 millions), elle est même devenue la quatrième compagnie européenne.
« Le travail des cinq ou six dernières années commence à payer », s’est récemment félicité, Temel Kotil, le PDG de Turkish Airlines, qui souligne qu’en cinq ans le transporteur a accru son activité de 44 %. La marque a changé de catégorie, elle est devenue globale. A l’heure de la rationalisation des coûts, Turkish Airlines a ouvert, en 2009, une dizaine de nouvelles liaisons aériennes, entre Istanbul et Sao Paulo, Dakar, Djakarta, Bologne (Italie) ou Göteborg (Suède). Cette expansion géographique va se poursuivre en 2010, ont promis les dirigeants turcs, avec de nouvelles lignes vers le continent africain, l’Asie ou l’Australie. La compagnie vient de commander 20 moyen-courriers A-320 à Airbus, et prévoit l’acquisition de 85 appareils supplémentaires d’ici à 2023.
Cette croissance rapide accompagne le développement du secteur aérien en Turquie. Le tourisme est en pleine expansion. En 2008, le pays a accueilli 26 millions de visiteurs étrangers. Le gouvernement turc table sur un objectif de 30 millions en 2010 et de 50 millions en 2020.
De nouveaux aéroports internationaux ont été récemment modernisés comme à Ankara et à Antalya. L’aéroport d’Istanbul, où un nouveau terminal ouvrira cette année, portera, à terme, sa capacité à 60 millions de passagers par an. La marque nationale, détenue à 49 % par l’Etat turc, est également en pleine offensive commerciale. Après s’être offert une campagne de publicité mondiale avec l’acteur Kevin Kostner comme ambassadeur, Turkish Airlines a investi cet hiver plusieurs millions d’euros, pour devenir l’un des sponsors de deux des clubs de football les plus médiatiques de la planète : Barcelone et Manchester. De quoi lui garantir une visibilité élargie et soigner son image de marque.
Une entreprise très rentable
Pour accroître son volume d’activité, la compagnie utilise les points forts de l’économie turque. Partout où Ankara investit, noue des partenariats, ouvre des ambassades, Turkish Airlines, ouvre une ligne avec Istanbul. Depuis quelques mois, elle fait aussi la promotion du tourisme médical en Turquie, pour attirer de nouveaux clients. En intégrant, en 2008, Star Alliance, elle a noué des partenariats avec Lufthansa, et a réduit ses coûts structurels. « Aujourd’hui, le marché turc est saturé. Si nous nous concentrons sur le transit international, nous continuerons à croître », estime M. Kotil. Cette stratégie fait déjà de l’aéroport d’Istanbul un hub (plate-forme de correspondances) entre les pays européens et le Moyen-Orient ou l’Afrique. Le nombre de passagers en transit a augmenté de 40 % en 2009.
Selon une récente analyse de la banque d’investissements Morgan Stanley, Turkish Airlines est aujourd’hui l’une des plus rentables dans le paysage régional, sans pour autant économiser sur la qualité du service. Seule la compagnie à bas coût Ryan Air parvient à maintenir un coût par siège inférieur. Le faible droit syndical en vigueur en Turquie et le niveau de rémunération des 12 500 salariés du groupe apportent une partie de l’explication. Malgré des profits conséquents, les salaires n’ont guère été augmentés pendant les années de croissance, alors qu’une baisse de 10 % avait été consentie pour atténuer les effets de la crise, après le 11 septembre 2001.
Mécontent le syndicat du transport aérien (Hava-Is) réclame une nouvelle convention collective et menace régulièrement d’appeler à la grève. En 2007, le gouvernement avait multiplié les pressions pour éviter un arrêt du travail, voté par la majorité des employés de Turkish Airlines, en pleine saison touristique.
Guillaume Perrier