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Turcophobie et iranophilie

mardi 8 novembre 2005, par Guy Millière

les4verites.com

Envie, ressentiment, mépris sont prédominants dans les sociétés qui s’effondrent, disais-je dans un précédent article. J’aurais pu ajouter : inaptitude à voir le monde en dépassant ses propres préjugés.
Parce qu’elle est à nos portes et veut entrer dans l’Europe, nous prenons vis-à-vis de la Turquie des attitudes de xénophobie sans fondements rationnels. Géographiquement, la Turquie ne serait pas en Europe, mais l’île de Chypre, située au Sud de l’Anatolie centrale, elle, serait pleinement européenne (parce qu’elle est peuplée majoritairement de grecs orthodoxes sans doute), divers pays situés sur le flanc nord de la Turquie auraient, eux aussi, vocation à entrer dans l’Europe.
Ceux qui voient que l’argument géographique ne tient guère puisque l’Europe n’est, après tout qu’un appendice géographique de l’Asie, reportent leurs arguments sur le terrain culturel et religieux : la Turquie est essentiellement musulmane et pas de culture européenne. Se souvient-on qu’au XIXe siècle, l’empire ottoman était appelée « l’homme malade de l’Europe », pas « l’homme malade à l’extérieur de l’Europe » ? Et discerne-t-on, en parlant religion, que l’islam est en Europe : la Bosnie doit-elle être exclue définitivement ? Certains auraient-ils souhaité, par haine anti-musulmane, que le national-socialiste Milosevic achève le travail ?
Dans des pays comme la France, la proportion représentée par les musulmans ne cesse et ne cessera de monter, en raison de notre natalité asthénique. Il est trop tard pour espérer faire de l’Europe un club chrétien. Il est illusoire de vouloir faire de l’Europe une forteresse Europe, car nous n’en avons plus les moyens policiers et militaires.
Faire de l’Europe une puissance rivale des États-Unis est un rêve vain pour analphabète économique. Depuis le 29 mai, au moins, nous savons que l’Europe ne sera pas une technostructure bureaucratique unifiée, il nous reste à comprendre que l’Europe ne peut pas être un bloc politique et juridique, mais un ensemble de synergies économiques qui reste à assouplir encore, et que, dans la perspective des synergies économiques, notre salut passe par la synergie avec les États-Unis, qui ont fondamentalement les mêmes valeurs que nous, davantage qu’avec des liens frelatés avec la Chine, l’Iran, ou divers régimes arabes douteux.
Il nous reste à comprendre que l’Europe peut encore avoir un sens par ces synergies, mais qu’il lui faut pour cela retrouver du dynamisme économique et faire son deuil d’un modèle social qui n’en est pas un, puisque personne ne veut l’imiter. Il nous reste à comprendre que dans ce monde de synergies, la Turquie est un partenaire économique important de l’Europe et un acteur essentiel des synergies économiques au Proche-Orient.
Il nous reste à comprendre que militairement la Turquie reste un acteur clé des synergies militaires occidentales. Il nous faut comprendre aussi que l’islam n’est pas un bloc : l’islam arabe n’est pas l’islam turc, le sunnisme du monde arabe est érodé par l’islam militant, en Turquie, les alévis constituent une forte minorité vecteur de modération, la séparation de la religion et de l’État est chose accomplie depuis huit décennies.
Il existe aujourd’hui une bataille pour le c�ur de l’islam qui nous concerne, car l’islam fait partie de notre futur. Notre intérêt bien compris serait de dialoguer avec la Turquie plutôt que d’en faire notre « tête de turc », et de contribuer à ce que, dans le reste du monde musulman, nos actes se situent du côté de ceux qui cherchent la modération et la compatibilité entre islam et démocratie libérale.

Disséminer la turcophobie tout en pratiquant l’apaisement vis-à-vis du régime iranien constitue une politique myope. Ne pas avoir vu et ne pas voir que notre combat pour un islam démocratique passe par Bagdad autant que par Kaboul constitue de l’aveuglement. Chercher la paille dans l’�il de la Turquie sans voir la poutre dans l’�il de Bouteflika en Algérie relève de l’imbécillité.
Et que dire des demandes incessantes de concession à Israël, et du refus de dénoncer le terrorisme palestinien en l’appelant par son nom : terrorisme. Chaque phrase pusillanime prononcée en faveur des « Palestiniens », quels que soient leurs crimes, et chaque phrase anti-israélienne font de nouvelles recrues pour l’islam militant en banlieue parisienne ...

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