Le premier ministre britannique, Tony Blair, a déclaré que l’élargissement de l’UE représentait « une opportunité historique pour construire une Union plus puissante » et il a assuré que l’UE respectera ses engagements envers la Turquie et la Croatie. L’UE ne doit pas considérer son élargissement « comme une menace, comme si le fait de devenir membre était un jeu à sommes nulles dans lequel les anciens membres perdraient et les nouveaux gagneraient, mais comme une opportunité extraordinaire et historique pour construire une Union plus pluissante et plus forte », a déclaré Tony Blair dans un discours programme devant le Parlement européen. « Au cours de notre présidence, nous nous efforcerons (...) de mener à bien les obligations de l’Union envers ceux qui comme la Turquie et la Croatie attendent dans l’espoir que leur avenir fera partie de l’Europe », a-t-il dit. La Grande-Bretagne prend la présidence de l’UE le 1er juillet pour six mois.
BARROSO ÉVOQUE LA PERTINENCE DE LA QUESTION TURQUE
Ses propos interviennent alors que des voix se sont élevées pour réfléchir sur le rythme de l’élargissement de l’UE après le double rejet en France et aux Pays-Bas de la Constitution européenne et l’échec du sommet de Bruxelles vendredi dernier à adopter le budget européen pour les prochaines années.
La veille, le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, a ajouté sa voix au concert d’interrogations sur l’avenir de l’élargissement de l’UE, en appelant à ne pas ignorer les inquiétudes des opinions publiques à l’égard d’une adhésion de la Turquie. Pour sa première apparition devant la presse depuis l’échec du sommet de Bruxelles, le patron de l’exécutif communautaire a insisté sur la nécessité de respecter l’engagement pris en décembre 2004 par l’Union européenne d’ouvrir des négociations d’adhésion avec Ankara le 3 octobre prochain. Mais il a aussitôt souligné que ce processus se ferait dans « un cadre ouvert », donc sans garantie d’une entrée effective dans l’UE en fin de course. Surtout, M. Barroso a mis en avant la nécessité pour les dirigeants de l’UE de « discuter sérieusement des signaux qui ont été envoyés par l’électorat en ce qui concerne la Turquie ».
En dépit des efforts déployés pour déconnecter les deux dossiers, la question de l’adhésion de la Turquie à l’UE a joué un rôle majeur dans les campagnes référendaires sur la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, brandie en épouvantail par une partie des opposants au texte. « Ce serait une erreur totale de ne pas étudier cette question sérieusement et (ne pas) voir qu’il y a dans les Etats membres une perception que l’élargissement doit être fait d’une manière bien comprise », a estimé mercredi M. Barroso.
« REPENSER LA QUESTION » DE L’ÉLARGISSEMENT
Depuis le double non franco-néerlandais, les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Cinq doivent mener un exercice difficile, refusant de renier les engagements pris envers tous les candidats à l’adhésion, mais soucieux aussi de montrer à leurs opinions publiques qu’ils sont à leur écoute. En rappelant dans les conclusions du sommet de Bruxelles la semaine dernière l’ensemble de ces engagements, les dirigeants européens se sont abstenus de citer nommément la Turquie.
En marge du sommet, le président en exercice de l’UE, le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a affirmé que « la plupart » des 25 chefs d’Etat et de gouvernements « partagent l’opinion que les engagements pris au cours de la dernière période doivent être respectés » envers la Turquie. Ce qui n’a pas empêché le président français Jacques Chirac de se demander si l’Union pouvait « continuer à s’étendre sans que nous ayons les institutions capables de faire fonctionner efficacement cette Union élargie ? ». Son premier ministre, Dominique de Villepin, avait déjà ouvert la voie au réexamen des élargissements futurs de l’UE en déclarant que « la question du lien entre élargissement et approfondissement était désormais posée » après le double rejet de la Constitution en France et aux Pays-Bas. Candidat potentiel à la succession de M. Chirac en 2007, le ministre de l’intérieur et président du parti majoritaire UMP, Nicolas Sarkozy, s’est même prononcé pour « la suspension de tout nouvel élargissement » de l’Union européenne tant qu’il n’y aura pas de « nouvelles institutions en Europe ».
Le prédécesseur de José Manuel Durao Barroso à la tête de la Commission, Romano Prodi, a lui aussi tiré une conclusion tranchée de la crise actuelle. « Les conditions pour une entrée de la Turquie dans l’Union européenne à court et moyen terme ne sont plus réunies », a estimé celui dont l’équipe avait pourtant préconisé dès octobre 2004 l’ouverture de pourparlers d’adhésion avec Ankara. Selon l’ancien président de la Commission européenne, « le problème est l’élargissement (...) et le vrai problème est la Turquie » et il « faut repenser la question ».
avec AFP