La droite allemande veut un simple « partenariat privilégié »
Berlin : de notre correspondant P. B.
[06 juin 2005]
L’oeil rivé sur le 3 octobre, la date prévue pour l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Turquie, Gerhard Schröder ne flanche pas. Mais, pour la première fois dans le camp social-démocrate, de premiers doutes se font jour, alors que la droite allemande continue à faire campagne en faveur de son idée de simple « partenariat privilégié » avec Ankara.
Cette première dissonance au sein du SPD est le fait de Martin Schulz, le chef du groupe parlementaire socialiste au Parlement européen. Les revers essuyés dans le dossier de la Constitution, vient-il de déclarer au quotidien Süddeutsche Zeitung, auront « des conséquences sérieuses sur l’ensemble des politiques, y compris l’élargissement ». Car, fait-il valoir, « si la Constitution n’entre pas en vigueur, c’est le traité de Nice qui s’applique, et toute l’Europe était d’accord pour dire que Nice ne suffit pas pour (faire face à) un élargissement » au-delà de celui de 2004.
Klaus Hänsch, ancien président du Parlement de Strasbourg et eurodéputé socialiste allemand lui aussi, estime pour sa part que la perspective d’une « adhésion de la Turquie a joué un rôle important » dans les votes français et néerlandais. Il plaide, dans le même journal, pour une « phase de consolidation qui durera plus de cinq ans », car « la population est très sceptique à l’idée de tout élargissement supplémentaire ».
Ces deux prises de position ayant pour auteurs des députés européens, il est trop tôt pour savoir si le SPD allemand, leur parti d’origine, risque lui aussi d’être atteint par ces doutes. Pour l’instant en tout cas, la perspective offerte à la Turquie n’est pas remise en cause par le chancelier qui, néanmoins, risque de ne plus être en fonctions le 3 octobre, au lendemain des législatives anticipées.
Si la droite allemande lui succède, ce que donnent à penser tous les sondages, la chancelière Angela Merkel ne s’opposerait pas à l’ouverture des négociations avec Ankara, mais elle insisterait pour que l’issue possible d’un « partenariat privilégié » fasse clairement partie des options envisagées, en sus du statut d’Etat membre.
Seul Edmund Stoiber, le patron de la CSU bavaroise qui est assez isolé sur ce point, se veut jusqu’au-boutiste. « Je conteste au chancelier Schröder le droit d’avaliser au Conseil européen l’ouverture de négociations avec pour seul objectif l’adhésion de la Turquie », explique-t-il dans une interview au quotidien munichois Münchner Merkur.
La majorité des responsables de la CDU-CSU estime qu’il serait suffisant, en cours de négociation à Bruxelles, de faire inscrire l’hypothèse du « partenariat privilégié » comme alternative. « C’est préférable à une négociation de dix ans, suivie d’un référendum négatif qui nous obligerait de dire non à la Turquie », juge Friedbert Pflüger, un député CDU.
Ankara, bien entendu, ne veut rien en savoir. La Turquie, affirmait hier le premier ministre Recep Tayyip Erdogan dans Bild, n’est « pas prête à accepter autre chose » qu’une adhésion pleine.