Logo de Turquie Européenne
Accueil > Revue de presse > Archives 2005 > 06 - Articles de juin 2005 > Non français : vers une « forteresse Europe »

Non français : vers une « forteresse Europe »

jeudi 2 juin 2005, par Jan Bernas

Tiscali.fr

Les répercussions du non pour les pays de l’Est et pour ceux qui aspirent à l’adhésion

La France a dit « non » à la Constitution européenne. Le résultat de ce dimanche 29 mai aura des conséquences certaines sur les plans français et communautaires, mais ce qui préoccupe les plus, c’est l’effet que pourrait avoir le non sur les nouveaux membres à l’Est, et plus encore sur les pays qui aspirent à devenir membres de l’Union - la Bulgarie, la Roumanie, la Turquie, l’Ukraine, la Croatie et la Serbie.

Les scénarios internes à l’Union après le non, s’ils ne remettent pas en cause l’existence de l’Union, sont encore imprévisibles. Ce qui semble en revanche inévitable, c’est l’obstacle, ou du moins le frein au processus d’adhésion et de rapprochement des pays candidats.

De Zagreb à Ankara, de Bucarest à Sofia, de Belgrade à Kiev, les dirigeants politiques proclament une confiance et une certitude dans l’avenir de leurs propres pays, mais il flotte malgré tout un air d’inquiétude.

Les candidats inquiets
A Zagreb, à côté des déclarations optimistes du président Stjepan Mésic, il y en a qui craignent pour l’avenir de la Croatie dans l’Union. Neven Mimica, l’ex-ministre de l’intégration européenne, actuellement président du Comité parlementaire pour l’intégration européenne a déclaré : « Nous ne pouvons pas affirmer que le non français n’aura pas de conséquences pour la Croatie, car l’Union européenne va devoir se préoccuper de ses problèmes internes et non de l’élargissement. La position croate serait beaucoup plus facile si nous avions déjà commencé les négociations. Maintenant nous sommes encore plus loin de l’Union européenne. »

A Ankara, il semble plutôt que le vote du 29 n’a pas du tout diminué les espérances d’un début imminent des négociations d’adhésion. « Le résultat français n’a aucun lien avec la Turquie (et) le processus d’adhésion à l’Union est irréversible », a déclaré le ministre des Affaires étrangères turc Abdullah Gul.

Malgré la fermeté du ministre turc, il semble possible qu’un sentiment anti-turc, déjà en vue dans la campagne française pour le non, puisse grandir dans toute l’Europe et éventuellement remettre en cause les discussions sur l’adhésion de la Turquie. En Allemagne, d’ailleurs, la CDU d’Angela Merkel a déjà fait savoir que l’adhésion de la Turquie serait un des thèmes principaux de la campagne électorale pour les élections de septembre. Pour confirmer cela, Michael Glos, un éminent représentant de la CSU, a déclaré au cours d’un débat parlementaire le 30 mai que l’entrée de la Turquie dans l’Union et tout sauf assurée.

Sofia et Bucarest, viennent de réitérer à l’unisson qu’un seul référendum ne peut empêcher un processus déjà entamé, mais dans ces pays aussi, on regarde avec préoccupation les répercussions internes à l’Union après le vote de dimanche.

Plus loin sur la liste d’attente
Les plus grandes préoccupations ont probablement été exprimées à Belgrade et à Kiev. Pour la Serbie, le chemin vers l’Union et vers le dédouanement complet du passé passe d’abord par la stabilisation du Kosovo et la réalisation de nombreuses réformes internes. Toutefois, si l’aspiration à l’adhésion devait s’avérer irréalisable, le processus de consolidation de la démocratie et de la légalité en Serbie pourrait subir un arrêt qui serait désastreux pour la stabilité dans toute la région.

Si cela est possible, les préoccupations de Kiev sont encore plus grandes. Le long chemin commencé par l’Ukraine avec la révolution orange devrait être constamment soutenu par la perspective de rejoindre l’Union afin que ne se présente pas le risque d’une régression nationaliste et antidémocratique du pays.

Et chez les nouveaux membres
Bien différent est le sentiment des pays qui sont entrés récemment pour faire partie de la grande famille européenne. En Pologne, par exemple, le premier ministre Marek Belka a assuré que le référendum sur la Constitution se tiendra bien pour montrer l’engagement polonais à la construction d’une Europe politique et pas seulement économique. Le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes polonais Jaroslaw Pietras a confirmé cette approche en déclarant que si la France a voté contre la Constitution par peur de l’élargissement, la Pologne et les autres pays devraient donner un signal fort en faveur d’une plus grande intégration.

Le non à la Constitution pourrait provoquer une série de répercussions imprévisibles dans un avenir immédiat. Ce qui préoccupe le plus, ce n’est pas tant la survie de l’Union mais le risque qu’un sentiment de fermeture vers l’étranger ne se propage dans la population européenne et dans l’élite politique, ce qui pourrait ramener à la proposition d’une « Europe forteresse ». Les pays candidats ont besoin de savoir que les efforts économiques et sociaux qu’ils sont en train d’accomplir seront récompensés dans le futur. La négation du droit à l’adhésion pourrait se révéler bien plus dangereuse pour la stabilité et la paix du continent européen qu’un simple résultat référendaire négatif.

Télécharger au format PDFTélécharger le texte de l'article au format PDF

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0