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« La France essaiera de freiner les négociations avec la Turquie »

mardi 14 juin 2005

tf1.fr

Alors que l’UE est en pleine crise institutionnelle, la question des négociations sur l’adhésion d’Ankara se profile. Ahmet Insel, professeur à l’Université de Galatasaray, nous explique notamment que le « non » de la France et son attitude depuis le référendum sont perçus comme un rejet en Turquie.

tf1.fr : Comment les Turcs ont-ils accueilli le « non » français : le voient-ils notamment comme un rejet de la Turquie ?
Ahmet Insel : Oui. Même si cela n’a joué qu’à la marge dans le résultat final, on sait qu’une partie du « non » est en fait un « non » à la Turquie. Mais nous sommes également conscients que même parmi les partisans du « oui », il y avait des opposants à notre entrée dans l’Union européenne, notamment à l’UDF et à l’UMP. En France, il y a donc une majorité contre l’adhésion turque, c’est un fait.

Mais une chose est plus grave : avant même le référendum et surtout depuis la formation du nouveau gouvernement où Sarkozy occupe une place importante, on constate que la France a adopté comme stratégie d’incarner le bouclier de l’UE contre la Turquie. Par exemple, lors de la réunion de préparation du Conseil européen de Bruxelles, avec l’appui de Vienne, Paris a tenté de ne pas faire figurer le 3 octobre (ndlr : date prévue d’ouverture des négociations) à l’ordre du jour. Finalement, un compromis a été trouvé pour laisser de côté tout ce qui concerne l’élargissement. Mais la position française, passionnelle, est considérée par la classe politique et l’opinion turques comme étant « plus royaliste que le roi ». Bref, tout ceci remet en cause la crédibilité de la parole donnée en décembre dernier.

tf1.fr : Craint-on que tout ceci remette en cause l’ouverture des négociations, voire l’adhésion ?
A.I. : Normalement, il n’y a aucune raison institutionnelle pour que cela soit le cas. D’ici le 3 octobre, le gouvernement aura rempli les deux conditions imposées : la poursuite des réformes et, pour Chypre, la signature du protocole annexe à l’Union douanière. En revanche, même si le gouvernement affirme évidemment qu’il n’y aura pas de conséquence après les « non » français et néerlandais, nous craignons que la France tente de freiner les négociations pour les rendre plus longues. Nous appréhendons notamment l’échéance de la présidentielle 2007 car le sujet sera certainement au c�ur de la campagne avec la notion de « partenariat privilégié ».

« Conséquences économiques et culturelles »

tf1.fr : Les élections allemandes, et le possible retour au pouvoir de la CDU avec Angela Merkel (ndlr : favorite dans les sondages, elle penche pour le « partenariat privilégié »), inspirent-elles également l’inquiétude ?
A.I. : Oui. On sait déjà que l’UMP a proposé à la CDU de préparer de concert un plan pour ce « partenariat privilégié ». Or, ici, on voit vraiment mal ce qu’il pourrait être. C’est vraiment inadmissible. Dans ce contexte, la visite d’Erdogan (ndlr : le Premier ministre turc) la semaine dernière aux Etats-Unis et sa rencontre avec Bush ne sont pas un hasard du calendrier.

tf1.fr : Des conséquences négatives sont-elles possibles ?
A.I. : Cette attitude hostile peut vraiment endommager les relations bilatérales en matière économique et culturelle. Le paradoxe, c’est qu’une délégation du Medef est venue sur place cette semaine. Cela donne vraiment l’impression que la France ne s’intéresse à la Turquie que pour son marché, ainsi que pour son armée.

Ndlr : entretien réalisé avant le sommet de Bruxelles.

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