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Islamisme et démocratie font-ils bon ménage ?

dimanche 29 janvier 2006, par Marc Semo

Libération

C’est la première fois qu’un mouvement islamiste défini comme « une organisation terroriste » par l’Union européenne et les Etats-Unis remporte des élections démocratiques dans le monde arabo-musulman. Si, dans la logique des surenchères, le Hamas prône ouvertement la destruction d’Israël et l’instauration d’un Etat islamiste, il n’en représente pas moins un phénomène politique et social beaucoup plus complexe. Sa victoire s’inscrit ainsi dans le contexte de la montée en puissance d’autres partis islamistes, issus comme lui de la mouvance des Frères musulmans (Egypte, Jordanie, Koweït, Liban, Yémen, etc.) ou venant d’autres matrices, qui sont aujourd’hui présents dans les Parlements.

En Irak, les partis chiites islamistes ont remporté tous les scrutins depuis la chute de la dictature. En outre, des partis islamistes qui ont fait clairement le choix de la démocratie, comme en Turquie l’AKP (Parti de la justice et du développement) de Recep Tayyip Erdogan, sont au pouvoir. Les questions posées par la victoire du Hamas ne sont donc pas nouvelles : comment accepter le verdict des urnes là où les frustrations, la misère et la corruption des pouvoirs font le lit de l’islamisme ? Et ce dernier est-il compatible avec la démocratie et les droits de l’homme ?

L’islamisme radical apparaît sur le devant de la scène à la fin des années 70 sur fond de déroutes des idéologies nationalistes et panarabes. Il ne s’agit plus pour lui « de moderniser l’islam mais d’islamiser la modernité », comme le soulignent de nombreux chercheurs. Après la victoire de la Révolution iranienne en 1979, le « péril vert » est considéré comme une menace majeure. Rien d’étonnant si, en 1991 en Algérie, alors que s’annonce un triomphe des islamistes du FIS dans les élections libres, les Occidentaux saluent l’interruption du processus démocratique. La guerre civile durera dix ans et fera 200 000 morts.

Partout dans le monde arabe, la lutte contre l’islamisme a servi surtout à maintenir des pouvoirs dictatoriaux. Mais désormais le statu quo n’est plus possible. « On ne peut plus identifier l’islamisme politique au fondamentalisme ni à son passé antidémocratique », souligne ainsi Hugh Roberts, de l’International Crisis Group. Ces mouvements ont évolué, même s’ils conservent nombre de leurs ambiguïtés. En même temps, sous leur ombre monte parmi les classes moyennes un « islam de marché », selon la définition du chercheur Patrick Haenni (1) : « Il ne s’agit plus de vendre les délices de l’Au-delà aux laissés-pour-compte de l’ouverture des marchés mais de proposer une religiosité en résonance avec la culture de classe de ses bénéficiaires. » Et sa vision du monde est très compatible avec celle de l’administration américaine.

(1) L’Islam de marché, Seuil, 2005.

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