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Histoire. La seconde chute de Constantinople.

mercredi 15 juin 2005

Marianne en ligne

Dans une vaste synthèse, Yves Ternon s’interroge sur les raisons du déclin et de l’effondrement du « vieil homme malade de l’Europe », l’empire ottoman.

Au XIX° siècle, la « Question d’Orient » agitait les chancelleries européennes. L’émergence, dans les Balkans, de mouvements nationalistes désireux de secouer le joug ottoman, soulignait l’affaiblissement de la Sublime Porte, en proie par ailleurs à de graves difficultés financières.

Certaines puissances, notamment la Russie et l’Autriche-Hongrie, entendaient bien profiter de ces difficultés, à la fois pour étendre leurs domaines, pour créer des Etats tampons et pour obtenir la liberté de navigation dans les Détroits. Quant à la France, alliée de la Turquie depuis François 1er, elle entendait bien jouer son rôle de protectrice des Lieux saints de Palestine et des chrétiens du Liban.

L’Angleterre, elle, était la seule à soutenir la dynastie d’Osman. Elle jugeait indispensable le maintien de l’Empire ottoman pour assurer la sécurité de la route des Indes.

Bien qu’il ne soit pas un spécialiste, stricto sensu, de l’histoire ottomane, Yves Ternon nous livre un remarquable ouvrage sur l’ascension et le déclin de ce vaste ensemble géopolitique, allant, selon les époques, de Budapest au Yémen et du Golfe persique à Alger et à l’Erythrée.

C’est une vaste fresque servie par un réel talent d’écriture et les pages qu’il consacre à la révolution jeune-turque sont particulièrement éclairantes.

Yves Ternon souligne le poids de l’héritage ottoman dans de nombreux pays du Proche et du Moyen Orient ainsi que le caractère multinational et multiconfessionnel de cet empire. Il analyse également la naissance du panturquisme, du panarabisme et du pantouranisme et montre que ces idéologies, prônant le retour à un mythique âge d’or, contribuèrent à provoquer la chute de l’Empire ottoman, en l’amenant à se ranger dans le camp de l’Entente durant la Première guerre mondiale.

Ecrivain engagé, Yves Ternon, qui a consacré de nombreux ouvrages au génocide arménien, n’hésite pas à polémiquer avec une certaine historiographie turque, américaine et française, visant notamment les travaux d’un Bernard Lewis et d’un Gilles Veinstein.

Les pages qu’il consacre au kémalisme sont passionnantes et permettent de mieux comprendre la genèse d’une Turquie moderne, laïque, où l’armée joue un grand rôle.

Ce livre permet aussi de comprendre pourquoi l’éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union européenne, suscite aujourd’hui autant de polémiques. C’est le retour de la « Question d’Orient » mais aussi de la mentalité obsidionale de l’Europe qui, jusqu’au siège de Vienne en 1683, et même après, du fait de la « course barbaresque », vécut dans la terreur d’être submergée par les Janissaires.

Un ouvrage fondamental, à lire de toute urgence.

(Yves Ternon, Empire ottoman, le déclin, la chute, l’effacement)

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