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En Syrie, Abdullah Gül appelle le nouveau gouvernement israélien à reprendre les pourparlers avec la Syrie.

mardi 9 juin 2009, par Jean Marcou

Abdullah Gül, Bachar El Assad et leurs épousesLe Président Gül a effectué une visite officielle en Syrie, entre le 15 et le 17 mai 2009. Alors même que le récent remaniement ministériel a vu la nomination d’Ahmet Davutoğlu au poste de ministre des affaires étrangères, ce voyage est très symbolique de la nouvelle diplomatie turque initiée par l’ancien conseiller du premier ministre et du président.

En premier lieu, ce séjour relativement long du chef de l’Etat turc chez un voisin arabe avec lequel Ankara a eu pendant longtemps des relations difficiles, illustre les efforts faits par la Turquie pour établir avec ses voisins des relations de coopération et de stabilité. S’adressant notamment aux étudiants de l’Université d’Alep, dans un discours se voulant emblématique, le président turc a affirmé que son pays « a l’intention de pacifier les problèmes avec ses voisins et de développer des relations basées sur la confiance réciproque ». Le fait qu’Ankara y soit parvenu avec Damas est effectivement encourageant. La Syrie, en effet, a constitué la principale base arrière du PKK jusqu’à 1998, et a longtemps condamné les aménagements hydroélectriques turcs dans le sud-est sur le Tigre et l’Euphrate, tout en maintenant ses prétentions territoriales sur le sandjak d’Alexandrette, cédé par les Français à la République kémaliste, à la veille de la Seconde guerre mondiale. Toutefois, pour la Turquie, dans le domaine de la pacification des rapports de voisinage, le plus dur reste à faire avec la normalisation des relations avec l’Arménie. En dépit des progrès spectaculaires accomplis ces derniers mois, Recep Tayyip Erdoğan, qui, alors qu’Abdullah Gül se trouvait en Syrie, rencontrait son homologue russe, Vladimir Poutine, dans la station balnéaire de Sochi, sur la mer Noire, a rappelé que la frontière turco-arménienne ne pourrait pas être ouverte si un règlement n’intervenait pas au Haut-Karabakh, et qu’en tout état de cause, « la Turquie n’abandonnerait jamais un pays frère comme l’Azerbaïdjan. »

En second lieu, la visite du chef de l’Etat turc, a été l’occasion de « booster » les relations économiques entre les deux pays, car le président n’étaient pas seulement accompagné du ministre des affaires étrangères et de plusieurs autres membres du gouvernement, mais aussi par tout un aréopage d’hommes d’affaires. Lors de sa seconde journée en Syrie, il a notamment inauguré un hôtel turc, avant de participer au Conseil turco-syrien des Affaires. Ce genre de prolongement économique est désormais un grand classique des déplacements du président turc à l’étranger. Cela montre que la Turquie, du fait des positions économiques qu’elle a acquises récemment, a désormais les moyens de soutenir une diplomatie volontariste par des initiatives fonctionnelles sérieuses.

Pourtant, en dernier lieu, le séjour d’Abdullah Gül en Syrie a surtout été l’occasion de s’interroger sur l’avenir des pourparlers indirects syro-israéliens, engagés sous l’égide de la Turquie, l’année dernière. Depuis un ans, ces pourparlers ont donné lieu à plusieurs rencontres entre les deux protagonistes en Turquie, mais elles on été entamées par la démission du gouvernement Olmert et interrompues par l’intervention israélienne à Gaza. Ces développements sont néanmoins particulièrement représentatifs du rôle de facilitateur et de pacificateur qu’Ankara entend jouer dans son étranger proche. Le gouvernement turc s’est d’ailleurs aussi illustré dans ce rôle lors du conflit russo-géorgien qui a secoué le Caucase, pendant l’été 2008. Et, quant à ses efforts pour renouer le contact entre Damas et Tel-Aviv, rompu au début de la deuxième Intifada (2000), ils ont été unanimement salués ces derniers mois.

Ce processus traverse cependant une phase particulièrement incertaine, au point qu’on peut être légitimement inquiet pour son avenir. Le nouveau chef du gouvernement israélien, Benyamin Netanyahou aurait, selon le journal « Haaretz », déclaré à des journalistes russes, la semaine dernière, que, pour des raisons stratégiques, jamais Israël ne rendrait à la Syrie le plateau du Golan, conquis par Tsahal, pendant la guerre des Six jours, en 1967. Par ailleurs, le nouveau chef de la diplomatie israélienne, l’ultra-nationaliste, Avigdor Liberman, refuserait que le retrait israélien du Golan figure à l’ordre du jour d’une éventuelle reprise des pourparlers syro-israéliens… Cette question est pourtant l’objet central du différend qui oppose la Syrie à Israël, et les pourparlers, menés précédemment sous l’égide d’Eoud Olmert et de Tsipi Livi jusqu’à la crise de Gaza, paraissaient être proches d’un accord sur ce point. Bien que la Syrie ait, semble-t-il, choisi de ne pas réagir aux propos défavorables tenus par le nouveau gouvernement israélien, Bachar el Assad, son président, a néanmoins fait savoir qu’il ne pourrait reprendre les pourparlers en question sans qu’un véritable partenaire se déclare. C’est ce qui a conduit Abdullah Gül, dès le début de son séjour en Syrie, à demander au nouveau gouvernement israélien de dire clairement s’il était toujours partie au processus engagé, tout en confirmant que, dans l’affirmative, la Turquie était prête à reprendre le rôle qu’elle avait joué jusqu’à présent.

Il semble pourtant que ces pourparlers auront du mal à reprendre. Et ce, pas simplement en raison des orientations très radicales du nouveau gouvernement israélien. En effet, depuis que les pourparlers sont en panne, les relations turco-israéliennes ont traversé de multiples tensions, illustrées notamment par la fameuse sortie de Recep Tayyip Erdoğan à Davos en janvier dernier, au moment de la crise de Gaza. Toutefois, plus encore que ces éclats politiques (liés aussi, on s’en souvient, aux difficultés du leader de l’AKP, en période électorale), une série de polémiques et d’incidents assez sérieux ont opposé les responsables militaires des deux pays. Lors de sa dernière conférence de presse, à la fin du mois d’avril 2009, le chef d’Etat major turc, İlker Başbuğ, a balayé d’un revers de main, les critiques émises par l’Etat hébreu après l’annonce de la tenue de manœuvres militaires syro-israéliennes, et actuellement un différend sur les performances techniques du « Heron », un avion israélien sans pilote qui équipe l’armée de l’air turque, oppose des responsables de la défense des deux pays. Dans ce climat difficile, qui s’avère beaucoup plus sérieux qu’on ne pouvait initialement le penser, et alors même que le gouvernement israélien ne semble pas vraiment pressé de reprendre les pourparlers interrompus, la Turquie pourra-t-elle continuer à apparaître comme un facilitateur idéal ?

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Sources

Article publié le dimanche 17 mai 2009 sur le blog de l’OViPoT sous le titre « En Syrie, Abdullah Gül appelle le nouveau gouvernement israélien à reprendre les pourparlers avec la Syrie. »

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