Comme Valéry Giscard d’Estaing, comme François Bayrou, Simone Veil n’est pas favorable à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. L’ancienne présidente du Parlement européen l’a dit hier sur LCI : la Turquie n’a qu’« une très petite partie de son territoire géographique en Europe ». Aussi, a-t-elle ajouté, « je n’ai jamais été favorable » à cette adhésion. En revanche, la Turquie « peut très bien avoir un traité d’association avec l’Union européenne et participer à un certain nombre d’actions de l’Europe ».
Simone Veil est sur la même ligne que Valéry Giscard d’Estaing, dont elle fut autrefois le ministre. L’ancien président de la République s’est expliqué à plusieurs reprises. « 95% du territoire de la Turquie et 92% de sa population sont situés en Asie, sur le plateau d’Anatolie, où le fondateur de la Turquie moderne, Kemal Atatürk, a choisi de déplacer la capitale du pays », faisait-il valoir récemment. VGE observe aussi que la langue turque n’est pas indo-européenne et que la Turquie n’a été associée à aucun des mouvements qui fondent la culture européenne : « apport de la Grèce et de la Rome antiques, héritage religieux, élan créateur de la Renaissance, philosophie du siècle des Lumières, apport de la pensée rationnelle et scientifique ».
Cette position est encore partagée par François Bayrou. Le président de l’UDF avait demandé au gouvernement, en octobre dernier, de soumettre au Parlement la recommandation de la Commission européenne sur l’ouverture des négociations avec la Turquie. Sans être suivi.
Ils ne sont pas les seuls à refuser l’entrée de la Turquie. L’UMP de Nicolas Sarkozy a pris position contre, s’opposant à Jacques Chirac. Comme les centristes, les souverainistes - Philippe de Villiers, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Marie Le Pen - ont eux aussi l’opposition à l’adhésion turque pour cheval de bataille. Mais eux s’opposent aussi à la construction européenne, au traité constitutionnel et font campagne pour le non. Ceux-ci mis à part, les adversaires les plus farouches de cette adhésion sont donc, en même temps, les plus ardents défenseurs, depuis toujours, de la construction européenne et les plus chauds partisans du traité constitutionnel. Il n’y a aucune contradiction et la position de ces UDF, ou anciens UDF, est cohérente. Ils militent, depuis le début, pour une Europe à vocation politique, appelée à devenir une fédération. Ils la veulent donc compacte, homogène par la culture, par l’histoire et par les aspirations, de sorte que puisse naître une identité européenne. « L’adhésion de la Turquie changerait la nature du projet européen », estime Valéry Giscard d’Estaing, selon qui « les élargissements successifs » ont déjà « accru le trouble des esprits ». Critiquant la position de Jacques Chirac, favorable à l’entrée d’Ankara, il regrette « cette fuite en avant d’une Europe non organisée ». Et François Bayrou déclarait à l’Assemblée, lors du débat organisé le 14 octobre : « Nous croyons que l’Union européenne est une unité politique en construction. Or l’adhésion de la Turquie est un pas non vers l’unité de l’Europe, mais vers sa dispersion, à tous les points de vue. »